Adnene Mansar, porte-parole de la présidence de la république et membre du bureau politique du CpR, a rétorqué que «la présidence de la république n’est pas employée chez Samir Dilou et qu’elle n’est pas tenue de demander une autorisation de son département» avant de prendre une initiative qu’elle juge d’intérêt public.
M. Mansar a ajouté, avec le même ton hautain, prenant de grands airs et feignant d’oublier qui l’a fait roi, que nul n’est au dessus de la loi, et que «la justice a plus d’importance que l’avis de Samir Dilou». Ambiance…
Hier, Lotfi Zitoun, membre du Conseil de la Choura d’Ennahdha, a posté sur sa page Facebook un message adressé à Adnen Mansar, où il affirme que la présidence de la république s’est immiscée dans des affaires qui ne la regardent pas en publiant le fameux ‘‘Livre noir’’:
«Pourquoi l’institution présidentielle s’immisce-elle dans une affaire de justice? Le président se considère-t-il vraiment comme le premier magistrat?», note M. Zitoun, ironisant ainsi sur les maigres prérogatives d’un président de la république au rabais.
Le dirigent d’Ennahdha a profité de l’occasion pour rappeler le passé militant de Samir Dilou et ses longues années de prison, et le passé terne de Adnen Mansar, qui n’a été qu’un témoin muet de la dictature: «Alors que les militants étaient derrière les barreaux de la prison au temps de Ben Ali, d’autres comme Mansar se pavanaient en écoutant Om Kalthoum», note-t-il.
Il fait ainsi allusion aux chansons de la diva égyptienne que M. Mansar postait sur sa page Facebook, en pleine révolution, alors que la police tirait à balles réelles sur les manifestants.
Piqué dans le vif, le porte-parole de la présidence a répondu, tôt ce matin, via un post sur sa page Facebook, qu’il a beaucoup de considération pour Samir Dilou et pour son passé militant, ajoutant que sa réaction évaluait le travail du ministre Dilou et ne concernait pas l’homme Dilou.
Revenant au ‘‘Livre noir’’, il a indiqué que ce document vise à remettre de l’ordre dans le pays: «La liste noire, vous autres, vous l’aviez utilisée pour menacer les gens, or nous l’utilisons pour abolir définitivement l’ancien régime», a-t-il expliqué, laissant entendre qu’Ennahdha préfère faire chanter les gens pour obtenir leur allégeance.
Adnen Mansar, qui ne peut tout de même pas jouer au militant (l’habit sera trop grand pour ses frêles épaules), a cru devoir aussi préciser à Lotfi Zitoun que la révolution appartient au peuple: «La différence entre nous et vous (entre CpR et Ennahdha, NDLR), c’est que nous sommes conscients que la révolution apparient aux citoyens. Elle vit dans le cœur des gens qui aspirent à être libres, mon ami, et non pas au sein des partis politiques qui veulent en tirer le plus grand profit».
Pour ce qui est des chansons d’Om Kalthoum, Adnen Mansar joue lui aussi sur le registre de l’ironie: «Puisqu’on en parle, j’aurais voulu que vous l’écoutiez, car elle a, dans son répertoire, une excellente chanson : ‘’Lil Sabr Hdoud’’ (La patience a ses limites)».
En conclusion, M. Manser a critiqué le symbole même d’Ennahdha: «Depuis que vous avez choisi la colombe comme symbole, j’ai su que vous aviez fait le mauvais choix… Notre époque n’est plus celle des colombes», a-t-il écrit, laissant entendre que le CpR est le parti des durs et des intraitables et qu’Ennahdha est celui des tendres et des adeptes des consensus mous.
Cet échange à fleurets mouchetés ne grandit pas ses auteurs. Il démontre néanmoins que les deux alliés au sein de la Troïka, la coalition au pouvoir, sont prêts à en découdre : ils sont déjà en campagne pour les prochaines élections.