Le président Trump, qui a reçu le ministre russe, "a mis en garde contre toute tentative d’ingérence de la part de la Russie dans les élections américaines", a déclaré l’exécutif américain.
Cette prise de position prend un relief particulier si l’on considère les atermoiements passés du milliardaire républicain sur cette question brûlante, malgré le consensus formel du renseignement américain qui a conclu à une ingérence de Moscou dans la présidentielle de 2016, qu’il a remportée.
Mais Sergueï Lavrov a nié avoir reçu directement cet avertissement de la bouche de l’ex-homme d’affaires new-yorkais.
"En fait nous n’avons même pas parlé d’élections", a-t-il dit lors d’une conférence de presse à l’ambassade de Russie à Washington. Il a ensuite néanmoins semblé suggérer avoir évoqué avec Donald Trump une telle mise en garde émise un peu plus tôt par le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
Accusations "sans fondement"
Alors que des soupçons de nouvelles ingérences russes dans la présidentielle américaine de 2020 émergent déjà, M. Pompeo a en effet publiquement prévenu, aux côtés de son homologue russe, que ce serait "inacceptable".
"Si la Russie ou tout autre acteur étranger prenait des mesures pour saper nos processus démocratiques, nous riposterions", a lancé le secrétaire d’Etat américain devant la presse, comme pour mieux repousser les critiques de tous ceux, nombreux au sein de la classe politique américaine, qui voient d’un mauvais oeil le tapis rouge déroulé au ministre russe.
Sergueï Lavrov a lui une nouvelle fois rejeté des accusations "sans fondement" ni "preuves".
La volonté de rapprochement exprimée par Donald Trump comme par son homologue russe Vladimir Poutine se heurte depuis trois ans à ces accusations d’ingérence russe.
En mai 2017, les photos du précédent passage de Sergueï Lavrov dans le Bureau ovale, diffusées par l’agence russe d’Etat Tass, montraient un Donald Trump tout sourire. De quoi provoquer un tollé dans le camp démocrate au lendemain du limogeage par le président américain du patron du FBI James Comey — un acte alors dénoncé comme une tentative d’entrave à l’enquête sur les soupçons de collusion entre l’équipe du candidat Trump et le Kremlin.
Comme un pied de nez à ses détracteurs, c’est dans ce même Bureau ovale que le 45e président des Etats-Unis a reçu mardi le ministre russe, à l’écart des médias.
"La dernière fois, ils ont rigolé au sujet du limogeage de Comey par Trump. Aujourd’hui, ils peuvent célébrer la victoire de la propagande russe", a commenté sur Twitter un des chefs de file du parti démocrate au Congrès, Adam Schiff.
"Résoudre" le conflit ukrainien
La visite de Sergueï Lavrov coïncidait avec la présentation par les démocrates de l’acte d’accusation historique contre Donald Trump pour abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès, dans une autre affaire au parfum d’ingérence électorale.
Cette fois, même s’il s’en défend avec force, le locataire de la Maison Blanche est accusé d’avoir fait pression sur l’Ukraine afin qu’elle enquête sur ses adversaires politiques démocrates à l’approche de la présidentielle américaine de 2020. Le camp trumpiste met en avant une thèse jamais étayée selon laquelle ce serait Kiev, et non Moscou, qui se serait ingérée dans le scrutin de 2016, et plutôt en faveur des démocrates.
Selon plusieurs experts, ils reprennent ainsi la propagande russe. Sergueï Lavrov a d’ailleurs réaffirmé que cette thèse démontrait "l’absurdité" des accusations visant Moscou.
Lors de son long entretien avec Mike Pompeo, les deux hommes ont bien parlé d’Ukraine… mais au sujet du processus de paix, au lendemain du sommet de Paris où Vladimir Poutine et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, sous l’égide de la France et de l’Allemagne, ont renoué le dialogue entre leurs pays sans réellement surmonter leurs divergences.
Selon la Maison Blanche, Donald Trump "a appelé la Russie à résoudre le conflit avec l’Ukraine". Mike Pompeo a lui insisté sur le respect des accords de Minsk de 2015, et sur le fait "que la Crimée appartenait à l’Ukraine".
Les deux ministres ont par ailleurs acté leur désaccord sur le sujet sensible du contrôle des armements.
L’Américain a réaffirmé sa volonté d’inclure la Chine dans la négociation sur les armements stratégiques nucléaires, sans se prononcer sur la proposition russe de renouveler sans attendre le traité bilatéral New Start qui expire début 2021.