"Il n’est pas démontré que la détention provisoire de celui-ci serait encore l’unique moyen d’éviter une pression sur les témoins et les parties civiles ou de garantir son maintien à la disposition de la justice", écrivent les magistrats de la cour d’appel de Paris dans leur décision dont l’AFP a eu connaissance.
En vertu de cette décision rendue jeudi, Tariq Ramadan doit aussi remettre son passeport suisse et a interdiction de quitter le territoire ou d’entrer en contact avec les plaignantes et certains témoins.
Après près de dix mois de détention, il devra résider en région parisienne et pointer une fois par semaine au commissariat.
Son avocat a également déposé fin octobre une nouvelle demande de retrait de ses mises en examen pour le viol présumé de deux femmes, Henda Ayari et celle que les médias surnomment "Christelle". Leurs plaintes successives avaient lancé l’affaire à l’automne 2017.
Toutes deux affirment avoir subi un rapport sexuel d’une extrême violence, en 2012 à Paris pour la première et en 2009 à Lyon pour l’autre.
"Je n’ai pas à fuir, je suis totalement innocent de ce dont on m’accuse. (…) Je vais rester en France et défendre mon honneur et mon innocence", avait-il déclaré jeudi pour tenter de convaincre les juges qui examinaient son appel contre le rejet, la semaine dernière, de sa quatrième demande de remise en liberté.
L’intellectuel, qui prenait pour la première fois la parole en public dans ce dossier, avait renouvelé cette demande à la suite de son revirement du 22 octobre: après un an de dénégations et contraint par la révélation de SMS sans ambiguïtés, Tariq Ramadan avait alors reconnu avoir eu une relation sexuelle avec chacune de ses accusatrices, mais "consentie" selon lui.
Vendredi, les deux plaignantes, très actives sur les réseaux sociaux où elles sont victimes de harcèlement, ont dit craindre que cette libération galvanise les soutiens de l’intellectuel.
"Ce sont ces gens dévoués, corps et âme, aveuglés, qui sont dangereux ! Le fait de laisser sortir monsieur Ramadan, veut dire, dans leur tête : +nous avons une impunité totale+", a déclaré "Christelle" sur Europe 1.
Après l’annonce de la prochaine libération, "j’ai été harcelée, j’ai reçu des appels anonymes, des insultes, ça a duré toute la nuit", a rapporté sur RTL Henda Ayari. "On me dit que je vais le payer… Donc je suis plus choquée par ce regain de violence à mon encontre que par sa libération en fait".
A l’audience jeudi, Tariq Ramadan avait plaidé avec force son innocence pendant une vingtaine de minutes.
"Je n’ai jamais violé, je ne suis pas un violeur. C’est vrai que j’ai commis une erreur, j’ai pensé à protéger ma famille. C’était une erreur et une bêtise de ma part que ce mensonge", s’est-il justifié.
"Mais qui a menti le plus? Qui a instrumentalisé le mouvement #MeToo ?", s’est défendu M. Ramadan, reprochant à ses accusatrices de "se répandre dans les médias" alors que lui dit faire "confiance à la justice".
"La cour ne va pas se prononcer sur les charges qui pèsent contre vous, mais sur la question de votre maintien ou non en détention", l’avait rappelé à l’ordre le président.
À tour de rôle, les avocats de la défense et des deux plaignantes s’étaient auparavant renvoyé les accusations de menaces sur les protagonistes du dossier et leur entourage.
Une troisième femme, Mounia Rabbouj, a porté plainte à son tour en mars, mais les juges d’instruction ne se sont pas prononcés à ce jour sur ces faits.
En Suisse, la plainte d’une femme, déposée en avril, a entraîné en septembre l’ouverture d’une instruction à Genève. Tariq Ramadan doit être prochainement entendu en vue d’une inculpation dans ce dossier