Son ambassade à Bagdad attaquée par les pro-Iran, Washington envoie des renforts

Les Etats-Unis ont dépêché mardi des renforts pour protéger leur ambassade à Bagdad, attaquée au cri de "mort à l’Amérique" par des milliers d’Irakiens pro-Iran qui ont ensuite entamé un sit-in pour protester contre des frappes américaines meurtrières.

Donald Trump a immédiatement accusé l’Iran d’avoir "orchestré" une "attaque" pour laquelle il sera tenu "pleinement responsable". Téhéran a dénoncé l’"audace" de Washington de lui attribuer les manifestation des Irakiens. Et, une fois de plus, les deux alliés de l’Irak ont fait planer la menace d’une nouvelle escalade sur le sol du pays, déjà en proie depuis trois mois à une révolte populaire inédite.

M. Trump a exhorté l’Irak à "protéger l’ambassade" dont l’attaque a été condamnée par le président irakien Barham Saleh, alors que son secrétaire d’Etat Mike Pompeo prévenait Bagdad "que les Etats-Unis allaient protéger et défendre leurs ressortissants".

Si un hélicoptère transportant des Marines a atterri dans l’enceinte du gigantesque complexe de l’ambassade, "il n’y a aucun plan visant à évacuer" la chancellerie, dont le personnel non-essentiel a déjà été rappelé en mai, selon la diplomatie américaine.

A ses abords, des centaines de partisans des pro-Iran maintenaient en soirée un sit-in pour protester contre les raids aériens américains qui ont tué dimanche 25 combattants des brigades du Hezbollah, groupe armé chiite membre du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires irakiens dominée par des factions pro-Iran et intégrée aux forces régulières.

Zone verte, portes ouvertes

Le matin, des combattants et partisans du Hachd avaient formé un cortège funéraire. Par milliers, ils étaient entrés dans l’ultrasécurisée Zone verte de Bagdad, où se trouvent l’ambassade américaine et les plus hautes institutions du pays, sans être arrêtés à aucun moment par les forces irakiennes postées aux entrées.

Ils ont ensuite investi le vestibule où la sécurité de l’ambassade filtre habituellement les visiteurs, brûlé des installations à l’extérieur, arraché les caméras de surveillance, jeté des pierres sur les tourelles de ses gardes et couvert les vitres blindées avec des drapeaux du Hachd et des brigades du Hezbollah, selon des journalistes de l’AFP.

Les forces irakiennes de sécurité ont vainement tenté de les en empêcher.

Depuis l’intérieur de l’ambassade, les forces américaines ont brièvement tiré en l’air à balles réelles avant d’utiliser des grenades lacrymogènes et assourdissantes pour disperser les manifestants. Le Hachd a fait état de 62 blessés.

L’ambassadeur américain, en voyage privé hors d’Irak, était en train mardi de regagner la chancellerie, a assuré Washington.

Deux heures après le début de l’attaque, le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi a appelé les manifestants à se retirer.

Son appel a été entendu par certains protestataires qui se sont retirés de la Zone verte alors que les forces spéciales irakiennes se déployaient aux abords de l’ambassade.

"Soleimani, mon chef"

Mais des centaines d’entre eux se sont installés sous des tentes devant le complexe pour y passer la nuit, certains préparant un dîner pour les participants au sit-in.

"Non à l’Amérique", "Fermé sur ordre des brigades de la résistance", ont écrit sur un mur de la chancellerie les manifestants. On pouvait aussi lire "Soleimani est mon chef", en référence au puissant général iranien Qassem Soleimani qui déjà préside aux négociations pour former le futur gouvernement en Irak.

Durant deux mois, les Etats-Unis n’ont pas répondu à dix attaques à la roquette contre leurs intérêts en Irak. Vendredi soir, la onzième a tué un sous-traitant américain et Washington, qui l’a attribuée aux brigades du Hezbollah, a frappé en représailles des bases de cette faction pro-Iran.

Car aujourd’hui, assurent des sources américaines, le Hachd est une menace plus sérieuse pour les Américains que le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Sur Twitter, un responsable du Hachd a fait un parallèle entre l’attaque contre l’ambassade à Bagdad et la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran en 1979, qui reste un traumatisme pour les Américains.

Les plus hauts dirigeants du Hachd -des officiels de l’Etat irakien qui interagissent avec les officiels américains- étaient présents dans le cortège funéraire. Cela "en dit long sur l’échec de la politique des Etats-Unis et la nature de l’Etat irakien qu’ils ont aidé à créer", estime Fanar Haddad, spécialiste de l’Irak.

"Bouter les occupants" hors d’Irak

Depuis les raids, le sentiment anti-américain n’a cessé d’être exacerbé par les pro-Iran en Irak, pays déjà secoué depuis le 1er octobre par une révolte populaire qui dénonce le pouvoir irakien accusé de corruption et d’incompétence, de même que l’influence du voisin iranien.

Alors que la flambée de tensions irano-américaines a semblé éclipser ce mouvement inédit qui se poursuit toujours sur la place Tahrir de Bagdad, qui borde la Zone verte et dans l’ensemble des villes du sud de l’Irak, les députés qui ne parviennent pas à s’accorder sur les réformes réclamées par les manifestants anti-pouvoir s’active désormais à d’autres changements.

Ces deux derniers jours, plus d’une centaine d’entre eux ont signé un appel à inscrire l’éviction des troupes étrangères d’Irak à l’ordre du jour du Parlement.

Les factions armées et politiques pro-Iran appellent régulièrement à dénoncer l’accord de coopération américano-irakien qui encadre la présence de 5.200 soldats américains en Irak.

Les Américains, qui ont envahi l’Irak en 2003 et renversé le dictateur Saddam Hussein, se sont retirés en 2011. Mais des troupes sont revenues en 2014 dans le cadre de la coalition anti-EI.

Mardi a marqué "la première leçon" pour "Trump qui a commis une grande folie", ont prévenu les brigades du Hezbollah. "La seconde leçon sera la loi qui boutera les forces d’occupation" d’Irak.

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