Quelques heures avant l’allocution du Premier ministre, prévue mercredi midi, une dernière réunion se tient mardi soir à l’Elysée où Emmanuel Macron réunit les ministres impliqués et les cadres de la majorité, à la fin d’une nouvelle journée de manifestations.
"Les grands arbitrages sont prêts, ils ont circulé entre le Premier ministre et le Président de la République qui ont eu des échanges nourris", indique-t-on de source gouvernementale.
Ces arbitrages "sont présentés ce soir à la majorité pour un dernier échange et les derniers calages", ajoute-t-on de même source, en donnant "rendez-vous demain midi pour le discours et la feuille de route pour l’après".
L’occasion aussi de "mettre en cohésion" la majorité, chargée de convaincre une opinion très méfiante du bien-fondé de cette "réforme de progrès et de justice sociale", selon l’Elysée.
Pour la deuxième journée nationale d’actions contre la réforme des retraites, quelque 339.000 personnes ont manifesté mardi en France, dont 31.000 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur.
Dès la fin de matinée, Edouard Philippe a pu sonder l’état d’esprit des troupes et écouter les remontées du terrain devant le groupe parlementaire de la majorité. Selon des participants de cette réunion à huis clos, plusieurs députés "ont insisté sur l’idée que reculer serait une lourde perte de crédibilité", alors que le chef de l’Etat a érigé la "transformation" du pays en raison d’être de son quinquennat.
"Je ne crois pas aux annonces magiques (…) Ce n’est pas parce que je fais un discours (mercredi midi) que les manifestations vont cesser", leur a répondu le Premier ministre, en quête du "ton qui va bien: celui d’une grande détermination, très tranquille, et celui du respect des parcours individuels".
"Ce discours va même susciter de nouvelles questions. Et c’est normal. Il y aura des questions et il y aura des débats dans l’hémicycle sur des sujets légitimes", a-t-il ajouté, renvoyant à l’examen du projet de loi à l’Assemblée, a priori début 2020. Dénonçant un "mépris jupitérien", le patron des députés LR, Damien Abad, avait demandé, en vain, la tenue d’un tel débat dès mercredi.
Emmanuel Macron continue de son côté à consulter. Dans la nuit de lundi à mardi, à l’issue d’une rencontre à l’Elysée consacrée à l’Ukraine, le chef de l’Etat s’est contenté d’une brève allusion au mouvement social en évoquant "une réforme indispensable". "Je n’ai pas senti une grande inquiétude", a-t-il dit, rassurant au passage, avec une pointe d’ironie, son homologue russe Vladimir Poutine "que les manifestations à Paris ne concernaient absolument pas la réforme des retraites menée en Russie".
"Amateurisme"
Des propos aussitôt dénoncés par l’opposition. "Il rigole, il ricane, il dit qu’il n’y a pas d’inquiétude et ne voit pas où est le problème", a dénoncé Guillaume Peltier, numéro deux des Républicains, fustigeant "l’amateurisme" et "l’outrecuidance" d’Emmanuel Macron, "premier responsable" des grèves.
"Sérieusement, il y a un pays entier qui est en train de se lever et ça le fait rire, il n’est pas inquiet ? Mais il devrait être inquiet !", a ajouté le député LFI Alexis Corbière brocardant le "droit dans ses bottes version Macron".
Pour de nombreux députés de la majorité, l’enjeu est de taille car "une grosse partie de notre potentiel politique et de notre mandat se joue cette semaine", selon Fabien Gouttefarde, élu en Marche de l’Eure.
Si 76 % des Français se disent favorables à une réforme des retraites (76 %), 64 % ne font pas confiance à Emmanuel Macron et au gouvernement pour la mener à bien, selon un sondage Ifop publié par Le Journal du dimanche.
Dans cette "bataille de l’opinion", l’exécutif est surtout critiqué de toutes parts sur la méthode avec laquelle il mène son projet depuis près de deux ans, marquée par un flou qui a exacerbé les inquiétudes des Français.