Après trois semaines d’une assemblée d’évêques (synode) à huis clos consacrée aux maux écologiques et humains de l’Amazonie, celui qui prône une écoute attentive des fidèles sur le terrain sera mis au pied du mur.
Le pape François devra en effet trancher dans les prochains mois, avec un texte signé de sa main, sur des problématiques mises en avant pour ce vaste territoire. Dont certaines peuvent être pertinentes pour l’ensemble de l’Eglise catholique.
Le synode a réuni au Vatican 184 évêques, dont plus de 60% venus de l’un des neuf pays de l’Amazonie.
Avec des représentants des peuples autochtones, des experts et des religieuses, ils ont débattu d’un multitude de thèmes régionaux, de la destruction de cette forêt cruciale pour la planète, aux eaux polluées par le mercure, en passant par les violences faites aux femmes.
Samedi en fin d’après-midi, les évêques voteront un à un les paragraphes d’un document de synthèse de leurs propositions, qui devront chacun recueillir deux tiers des votes pour être adoptés.
Toute l’attention se focalisera sur trois points polémiques, très récurrents durant les discussions et logiquement présents dans le texte final. Ils seront probablement formulés avec prudence par le comité restreint chargé de leur rédaction.
-"viri probati" et "trésor du célibat"-
Premier point: la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés d’âge mûr ("viri probati"), choisis parmi les populations autochtones d’Amazonie et qui parlent donc une langue locale.
Dans ce cas de figure, il ne serait pas nécessaire de réécrire le droit canon de l’Eglise, mais d’adresser au pape une demande de "dispense", similaire à celles accordées aux pasteurs anglicans mariés qui se sont convertis ensuite au catholicisme, a expliqué un prélat.
En Amazonie, l’Eglise catholique s’inquiète de l’augmentation vertigineuse de la présence des églises évangéliques pentecôtistes, qui peuvent compter des pasteurs mariés.
Les prélats latino-américains du synode sont confrontés à un problème concret: le manque de prêtres itinérants pouvant célébrer la messe et donner la communion (un sacrement essentiel dans la doctrine chrétienne) dans des endroits très reculés de la forêt parfois uniquement accessibles après une journée en pirogue.
Sans prôner une révolution, puisqu’ils se disent attachés à la tradition du célibat des prêtres en vigueur depuis le 11è siècle, décrit comme "un don de Dieu".
Le cardinal italien Beniamino Stella, préfet pour la congrégation du clergé à Rome, a mis en avant la "beauté" mais aussi le "défi" de l’engagement au célibat, en décrivant "un trésor que nous gardons dans des vases en argile".
-"ministères" voire "diaconat" féminins-
Deuxième point très attendu: la reconnaissance officielle par l’Eglise du rôle essentiel joué par les femmes laïques pour propager la foi en Amazonie, en leur attribuant des "ministères" (fonctions spécifiques), voire en leur donnant accès au "diaconat" actuellement réservé aux hommes laïcs.
Les deux tiers des communautés autochtones sans prêtres sont guidées par des femmes, ont martelé de nombreux prélats d’Amazonie.
Mgr Evaristo Pascoal Spengler, évêque de Marajó au Brésil, s’est montré très optimiste vendredi sur un vote favorable au diaconat féminin, en rappelant qu’il y avait eu des diaconesses dans l’histoire de l’Eglise.
Pour Mgr Alberto Taveira Corrêa, archevêque de Belém dans l’Etat du Pará (nord du Brésil), les propositions sur les "viri probati" et "les ministères" féminins seront bien soumises au "discernement du pape qui saura définir les éventuels pas à suivre".
Une troisième proposition sera scrutée aussi dans le document: une affirmation claire de la richesse de la culture, des rites et des objets liturgiques des peuples autochtones, allant jusqu’à formaliser à l’avenir "un rite amazonien" à l’instar de plus d’une vingtaine d’autres rites existants.
Tous ces sujets sont matières à fronde, voir à schisme, d’évêques conservateurs, notamment en Europe ou en Amérique du nord, qui craignent, à travers une multiplication des exceptions, l’abandon du célibat des prêtres. Ces mêmes traditionalistes regardent avec suspicion les questionnements actuels sur le célibat au sein de l’épiscopat allemand.