Olivier Roy : « Le burkini n’a rien de fondamentaliste »

Professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), où il dirige le programme méditerranéen, Olivier Roy est un spécialiste de l’islam. Il y a consacré différents ouvrages comme En quête de l’Orient perdu, en 2014, ou La laïcité face à l’islam, en 2005. A contre-courant du débat actuel, le chercheur en science-politique estime que le burkini, loin d’être un « retour en arrière », est révélateur d’une alliance entre modernité et religion.

Cannes, Villeneuve-Loubet, Sisco, Le Touquet, Nice… En quelques jours, de nombreuses communes ont pris des arrêtés anti-burkini. David Lisnard, le maire de Cannes, a expliqué qu’à ses yeux, il s’agit d’"un uniforme qui est le symbole de l’extrémisme islamiste", dans un contexte "d’actes terroristes".

Pour Olivier Roy, politologue et spécialiste de l’islam, ce sont des "amalgames absurdes". "Le groupe Etat islamique ou les talibans n’autoriseraient jamais le burkini. Au contraire, cette tenue est l’exemple même de la gentrification de la pratique religieuse musulmane dans l’espace occidental. Ce maillot de bain couvrant est symboliquement lié l’ascension sociale de certaines musulmanes. Le porter représente une tentative, pour des femmes, plutôt jeunes, de poser un signe religieux sur une pratique moderne, c’est-à-dire la baignade en famille", a-t-il dit dans une longue interview accordée à Francetv info".

"Les débats sur le port du burkini et de la burka, par exemple, doivent être distingués, car le burkini est une invention récente [créé en 2003 en Australie], qui fait sauter les fondamentalistes au plafond. Pour ces derniers, une femme n’a pas à se promener sur la plage, et encore moins se baigner ! Donc le burkini est, au contraire, une tenue moderne, qui n’a rien de traditionnel ou de fondamentaliste", a-t-il souligné.

En France, le débat politique semble se concentrer autour de l’islam. Selon Olivier Roy, "si cette religion fait autant parler d’elle, c’est parce qu’il y a une conjonction entre une droite identitaire, qui définit le christianisme comme la religion fondatrice de la société française, et une gauche laïque et anticléricale", une "alliance hors-nature" qui donne [à ces débats] autant de résonance dans le débat public."

Les tensions actuelles sur ces questions inquiètent le spécialiste. Pour lui, cette polémique pourrait engendrer "un sentiment de rejet et de dégoût chez les musulmans, qui pourrait se traduire par un repli identitaire". Et de conclure : "Les arguments utilisés par les antisémites dans les années 1920 sont aujourd’hui repris à propos de l’islam : incompatibilité culturelle et une loyauté plus grande accordée à la religion qu’à la nation. "

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