"Je vous fais savoir à vous et aux jurés, respectueusement, que dans un premier temps, je ne m’exprimerai pas", a dit l’accusé à la cour d’une voix posée, préférant laisser ses "conseils s’exprimer" à sa place.
Mehdi Nemmouche, un délinquant multirécidiviste radicalisé en prison, depuis peu de retour de Syrie à l’époque des faits, s’est justifié en affirmant que la liste de la centaine de personnes appelées à témoigner au procès avait été "expurgée" des témoignages à décharge.
"En conséquence, je ne suis pas en mesure de me défendre convenablement. Toutes les personnes qui auraient pu venir ici en apportant un autre son de cloche (…) ont été refusées", a-t-il argumenté lors de cette première prise de parole.
Niant être le tueur, Nemmouche a toutefois concédé avoir été en possession des deux armes, un revolver — de type "P38 spécial" — et une Kalachnikov, avec lesquelles il avait été arrêté six jours plus tard à Marseille (sud-est de la France), dont l’enquête a prouvé qu’elles avaient été utilisées pendant la tuerie.
Ses avocats avaient auparavant présenté les points clés de leur système de défense, réclamant d’ores et déjà un "acquittement". C’est la première fois depuis le début du procès, le 10 janvier, qu’ils faisaient valoir leurs arguments.
Me Virginie Taelman, l’une des conseils, a affirmé que cette tuerie n’était pas un attentat du groupe jihadiste Etat islamique (EI) mais "une exécution ciblée d’agents du Mossad" (les services secrets israéliens, ndlr). Une formule ambiguë et non étayée laissant entendre qu’il s’agirait d’un complot, ce qu’ont dénoncé les parties civiles qui jugent "accablantes" les preuves rassemblées par l’enquête.
Dans ce procès qui pourrait durer jusqu’au 1er mars, Mehdi Nemmouche, 33 ans, et un complice présumé, Nacer Bendrer, 30 ans, tous deux Français, doivent répondre d’"assassinats terroristes". Ils risquent la prison à vie.
Mehdi Nemmouche est accusé d’avoir tué de sang-froid en moins d’une minute et demie un couple de touristes israéliens (dont une femme ayant travaillé pour le Mossad en tant que comptable, mais pas comme agent), une bénévole française et un jeune employé belge du musée, le 24 mai 2014. Il a refusé de s’exprimer tout au long de l’enquête.
Nacer Bendrer est, lui, soupçonné de lui avoir fourni des armes, ce qu’il réfute. Interrogé mardi, il a simplement reconnu être venu voir Nemmouche à Bruxelles en avril 2014, qui lui a demandé une kalachnikov.
– "Hallucinant, farfelu !"-
Mardi, pour étayer sa démonstration, la défense de Mehdi Nemmouche a brandi une capture des images de vidéosurveillance du musée, sur laquelle on le reconnaît sur les lieux de la tuerie, affirmant qu’il s’agissait d’une "photo truquée".
Selon Me Taelman, "les lunettes de soleil ont été effacées" sur la photo "et à la place on y a ajouté des yeux, un regard, la forme d’un nez…"
Car les images de vidéosurveillance prouvent selon elle de manière "irréfutable" que le tueur n’enlève "jamais" ses lunettes de soleil le temps du quadruple assassinat.
La défense a également souligné que l’ADN de Mehdi Nemmouche n’a pas été retrouvé sur la poignée de la porte d’entrée du musée, pourtant "violemment" saisie par le tueur d’après les images. Et d’en déduire qu’"il n’est donc pas le tueur", selon Me Laquay, "il a été piégé".
Autre élément de nature à disculper l’accusé selon sa défense: il n’a opposé "aucune résistance" lors de son arrestation le 30 mai 2014 à la gare routière de Marseille.
Michèle Hirsch, avocate des organisations juives de Belgique (CCOJB), a ironisé après l’audience sur la stratégie de "victimisation" de Mehdi Nemmouche par ses avocats.
"C’est hallucinant, farfelu ! Pour sa défense, il a fait de l’humanitaire en Syrie et il est revenu à Molenbeek pour faire du tourisme", a déclaré Me Hirsch, en allusion à la commune bruxelloise, réputée avoir été un repaire de jihadistes, où l’accusé est soupçonné d’avoir préparé son attaque.
Pour sa part, Me Christophe Marchand, avocat de l’Agence publique de lutte contre les discriminations (Unia), autre partie civile, a dénoncé "une tentative assez grossière de manipulation du dossier".
En France, dans un dossier qui lui vaudra un procès distinct, Nemmouche est soupçonné d’avoir été un des geôliers de quatre journalistes français séquestrés en 2013 à Alep (Syrie).