Maroc : une rentrée politique sous haute tension sur fond de bouleversement du paysage partisan

C’est une rentrée politique sous haute tension qui s’annonce au Maroc. Si le gouvernement présidé par l’islamiste Saadeddine El Othmani a officiellement fait la sienne en début de semaine en présentant ses 120 mesures pour ses 120 jours de pouvoir, la classe politique, elle, se prépare à une rentrée bien mouvementée, avec en perspective un bouleversement du paysage politique marocain.

– Par Narjis Rehaye –

L’opération de communication du bilan d’étape de l’Exécutif n’a pas réussi à cacher les dissensions internes du PJD, le parti du chef de gouvernement. « Les formations politiques au pouvoir ont bien parlé d’une seule voix lors de la présentation des 120 jours du gouvernement. Et le message était clair : la coalition est unie, les partis au pouvoir jouent la même partition sous la direction d’un seul chef d’orchestre », explique un ministre proche de Saadeddine El Othmani.

Problème, le PJD ne l’entend pas vraiment de cette oreille. Il entend même prendre de la distance « politique » avec le gouvernement. « Oui, nous votons les lois mais cela ne signifie pas que nous soyons d’accord politiquement avec le chef de gouvernement et les choix de son exécutif », fait valoir un ténor du parti des islamistes au pouvoir. L’ombre d’Abdelilah Benkirane n’en finit pas de planer non seulement sur le parti mais également sur le gouvernement. Au sein du PJD, la guerre de succession est ouverte. Tout l’enjeu réside dans un troisième mandat de Benkirane à la tête de cette formation politique quitte à à adopter des statuts sur mesure. « Si le PJD le fait, il tordra le cou à la loi sur les partis politiques qui a fait de la démocratie interne un acquis. En acceptant de changer ses statuts pour permettre à Benkirane de rempiler pour un 3ème mandat, le PJD deviendra un parti comme les autres », commente un politologue de la place.

Autre congrès très attendu celui de l’Istiqlal prévu ce 29 septembre. L’actuel leader du plus vieux parti marocain, lâché par les siens, n’en finit pas de s’accrocher à son fauteuil de secrétaire général. Candidat à sa propre succession, Hamid Chabat devra croiser le fer avec Nizar Baraka, le président du conseil économique, social et environnemental et petit-fils d’ Allal Al Fassi, le fondateur de l’Istiqlal. Pour l’heure, il n’y a pas encore de troisième candidat, La convocation de l’instance suprême est le résultat d’une longue bataille politique jalonnée de procédures juridiques et de coups de poings. « L’élection de Nizar Baraka au poste de secrétaire général de l’Istiqlal serait synonyme d’un retour à la vie normale, après le passage d’un ouragan populiste. Il s’agira alors de reconstruire le parti et réparer les dégâts d’une mandature qui nous a fait beaucoup de mal », soutient cet ancien ministre du parti de la Balance et fervent opposant de Chabat.

Le parti Authenticité et Modernité se prépare lui aussi à faire sa rentrée, après la sortie d’Ilyass El Omari et sa démission-surprise. Le PAM réunit enfin son conseil national le 21 octobre prochain pour en principe valider le départ de son secrétaire général. La principale force politique de l’opposition devra ensuite décider d’un congrès extraordinaire afin d’élire un nouveau leader. C’est bien le profil de celui (ou celle) qui sera à la tête du PAM qui déterminera l’avenir d’un parti qui a voulu jouer le rôle de l’aiguillon du paysage politique sans jamais y réussir jusque-là.
Changement au forceps, congrès sous haute surveillance, leaders omnipotents : au Maroc, le paysage politique n’en finit de se construire et de se déconstruire sans que les partis ne parviennent à se faire de véritables outils d’intermédiation. Le personnel politique a-t-il tiré les leçons de la crise du Rif ? C’est la question sur toutes les lèvres.

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