Mali: des militaires prennent le contrôle d’une garnison proche de Bamako
Des militaires maliens ont pris mardi le contrôle d’une garnison proche de Bamako, suscitant l’inquiétude de Washington et des voisins du Mali quant à un éventuel renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, déjà confronté depuis deux mois à une contestation sans précédent depuis le coup d’Etat de 2012.
Des militaires maliens ont pris mardi le contrôle d’une garnison proche de Bamako, suscitant l’inquiétude de Washington et des voisins du Mali quant à un éventuel renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, déjà confronté depuis deux mois à une contestation sans précédent depuis le coup d’Etat de 2012.
La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), médiatrice au Mali, a dit dans un communiqué suivre « avec une grande préoccupation » la situation, « avec une mutinerie déclenchée dans un contexte sociopolitique déjà très complexe ».
L’organisation régionale appelle « les militaires à regagner sans délai leurs casernes » et « rappelle sa ferme opposition à tout changement politique anticonstitutionnel », invitant les « militaires à demeurer dans une posture républicaine ».
La communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest « condamne vigoureusement la tentative en cours et prendra toutes les mesures et actions nécessaires à la restauration de l’ordre constitutionnel ».
Inquiets également, les Etats-Unis ont souligné, par la voix de leur émissaire pour le Sahel, Peter Pham, qu’ils « s’opposent » à tout changement de gouvernement en dehors du cadre légal, « que ce soit par ceux qui sont dans la rue ou par les forces de défense et de sécurité ».
En milieu d’après-midi, la situation restait confuse dans la capitale malienne et dans sa banlieue.
Une chose est sûre: des militaires ont pris le contrôle dans la matinée du camp Soundiata Keïta, situé à Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako.
« Des militaires en colère ont pris les armes au camp de Kati et ont tiré en l’air. Ils étaient nombreux et très nerveux », a expliqué à l’AFP un médecin de l’hôpital de la ville.
Situation « volatile »
Les raisons de ce coup de colère n’étaient pas immédiatement claires.
Ces militaires ont ensuite bouclé les accès de la garnison, selon un correspondant de l’AFP sur place.
Un militaire faisant partie de ceux ayant pris le contrôle du camp a affirmé à l’AFP qu’ils détenaient « plusieurs hauts gradés de l’armée, arrêtés par les frondeurs ».
Plusieurs chancelleries occidentales ont fait état de l’arrestation de personnalités politiques, dont des ministres, mais elles n’ont pas pu être confirmées de source officielles, pas plus que celles concernant les hauts gradés.
Ni la présidence, ni les services du Premier ministre n’avaient encore communiqué en milieu d’après-midi sur la situation. Celle-ci est « toujours volatile à Bamako », a twitté l’ambassade de France, en répétant ses consignes de prudence.
Le Mali est confronté à une grave crise socio-politique qui préoccupe la communauté internationale.
Après l’annonce de la prise de contrôle du camp de Kati, des manifestants se sont rassemblé sur la place de l’Indépendance de Bamako, épicentre de la contestation depuis juin, pour réclamer à nouveau le départ du président Keïta, a constaté un correspondant de l’AFP.
Des manifestants ont incendié le cabinet d’avocats du ministre de la Justice, Kassoum Tapo, selon la même source.
Troubles meurtriers
Une coalition hétéroclite d’opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile multiplie les manifestations pour réclamer le départ du président Keïta, accusé de mauvaise gestion.
A cela s’ajoute une « situation sociale délétère », selon la dirigeante syndicale Sidibé Dédéou Ousmane.
Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP), qui mène la contestation, a refusé jeudi dernier une rencontre avec le président Keïta, fixant notamment comme préalable la fin de la « répression » contre ses militants.
Le weekend du 10 juillet, une manifestation à l’appel du Mouvement du 5 juin a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers.
C’est du camp de Kati, le 21 mars 2012, alors que les rebelles touareg avaient lancé une offensive majeure dans le nord du Mali et que les jihadistes affluaient en provenance des pays voisins, que des soldats s’étaient mutinés contre l’inaptitude du gouvernement à faire face à la situation.
Ils avaient chassé le président Amadou Toumani Touré.
Le coup d’Etat avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, qui ont occupé cette région pendant neuf mois avant d’en être en partie chassés par une intervention militaire internationale lancée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.
Sous la pression internationale, la junte avait fini par céder le pouvoir à des autorités civiles intérimaires jusqu’à l’élection en 2013 d’Ibrahim Boubacar Keïta.
Malgré les interventions étrangères, les violences jihadistes, souvent mêlées à des conflits communautaires et à du banditisme, se poursuivent et se sont même étendues depuis 2015 au centre du Mali et aux pays voisins, Burkina Faso et Niger.