Certes, du point de vue religieux et médical, cette frange de la société a entièrement le droit de ne pas jeûner et elle doit se plier aux préceptes de l’Islam et des médecins. Toutefois, plusieurs malades atteints de maladies chroniques veulent observer ce quatrième pilier de l’Islam.
Pour Latifa (63 ans), la question ne se pose même pas. Elle jeûne. Atteinte d’une maladie cardiaque depuis deux ans, elle a observé le jeûne l’année dernière et elle s’est bien sortie. « Je n’ai qu’un seul comprimé par jour à prendre et mon cardiologue m’a autorisé à jeûner. Il m’a également rassuré qu’il est disponible en cas de malaise. Donc, j’ai tenté et j’ai réussi à jeûner tant bien que mal ».
Dans la même veine, M.E souligne qu’elle jeûne même si elle est diabétique. « J’ai demandé à mon endocrinologue et elle m’a autorisé de jeûner. Mon diabète est équilibré, je n’ai aucun problème à observer ce rite musulman. Tant que je ne mets pas ma vie en danger, je le fais. Et puis, avoir soif ou faim n’est pas un problème en soi. C’est après la rupture du jeûne que j’ai du mal à contrôler mon appétit ».
Pour Aïcha, 61 ans, elle ne jeûne pas. Cardiaque et diabétique et souffrant de la thyroïde, si elle jeûne, elle peut mettre en péril sa vie. « C’est le troisième Ramadan que je ne jeûne pas. Je dois prendre plusieurs médicaments durant la journée et les heures de jeûne sont longues », renchérit-elle avec un brin de tristesse. Même constat pour Siham. « Une décision difficile à prendre. J’ai essayé, mais je n’ai pas pu », confie-t-elle. Souffrant de plusieurs maladies chroniques, cette sexagénaire passe sa journée difficilement parce qu’elle est tiraillée entre son envie d’observer le jeûne et son incapacité à le faire.
Observer ce rite musulman alors que l’on souffre d’une ou plusieurs maladies chroniques est un non-sens, selon Dr Mohamed El Hassan Gharbi, Endocrinologue et Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat.
L’impact du jeûne chez les patients souffrant de maladies chroniques ne peut être que délétère, car s’abstenir de manger et de boire en journée est incompatible avec la prise médicamenteuse prescrite, explique Dr. Gharbi.
« Pour peu que la maladie impose une prise des médicaments à des horaires précis comme c’est le cas dans le diabète ou encore l’hypertension artérielle et encore plus dans les maladies cardiaques où les ordonnances sont souvent très chargées et le malade devra se plier à une gymnastique inutile qui va le pousser à prendre ses médicaments de nuit plutôt que deux jours », poursuit cet endocrinologue.
Pour ce professeur, certains médecins encouragent leurs patients atteints de maladies chroniques à observer ce rite et « comme pour se donner bonne conscience, ils leur disent : vous pouvez Jeûner, mais en cas de problèmes ou malaises rompez-le ! ».
Ceci est un non-sens parce que l’essence de ce quatrième pilier de l’Islam se perd avec un tel raisonnement. « Le patient doit avoir l’intention de s’y plier et non pas l’intention de le rompre à la veille du mois sacré. S’il jeûne avec l’idée qu’il va, peut-être, le rompre ceci n’est plus un jeûne religieux, mais uniquement une privation dénuée de sens », estime-t-il.
En Islam, plusieurs catégories de personnes ont le droit de rompre le jeûne si elles souffrent de maladies incurables ou chroniques. Elles doivent nourrir un pauvre pour chaque jour non jeûné. Ce don peut être fait en nature (farine, huile, sucre et orge) ou par le biais d’une somme d’argent équivalente au profit d’une veuve ou d’un pauvre. Cette question de jeûner ou pas ne devrait nullement frôler l’esprit des personnes atteintes de plusieurs pathologies chroniques qui sont déjà difficilement prises en charge en temps normal !