Liban: l’armée se déploie, la mobilisation pacifique se poursuit

Le soulèvement populaire au Liban a pris une nouvelle tournure mercredi avec l’apparition en masse de l’armée autour de Beyrouth, mais la foule a pu poursuivre pacifiquement sa mobilisation pour le septième jour consécutif.

Loin de faiblir malgré l’annonce de réformes par le gouvernement, le mouvement semble parti pour durer avec une occupation toujours aussi forte de la rue.

La multiplication des barrages routiers sur les axes menant à la capitale, avec un risque d’une paralysie totale du pays, a conduit l’armée et les forces de sécurité, jusque-là très discrètes, à se déployer tôt mercredi.

Après des jours de manifestations géantes et festives, des rassemblement de centaines de personnes se sont multipliés dans la journée sur les nombreux barrages montés à l’aide de barrières, de pneus, de bidons ou de voitures.

Dans des face-à-face parfois tendus, les manifestants engageaient le dialogue avec les militaires venus les déloger. Brandissant les drapeaux libanais, entonnant l’hymne national et des chants traditionnels, leur distribuant parfois des fleurs, ils ont le plus souvent eu gain de cause et aucun incident majeur n’a été signalé.

Selon un photographe de l’AFP, certains soldats avaient les larmes aux yeux face à la foule qui leur criait : "Pacifiques, pacifiques !"

"On a vu leurs larmes, nous savons qu’ils ont des ordres", assurait Elie Sfeir, un employé de 35 ans. "Mais on veut rester ici pour obtenir un changement de régime, notre seule demande. On veut écrire un nouveau chapitre de ce pays".

"Enrichissement illicite"

Dans un communiqué diffusé dans l’après-midi, le Premier ministre Saad Hariri s’est dit "déterminé à obtenir l’ouverture des routes pour assurer la libre circulation des citoyens", soulignant "l’importance de sauvegarder la sécurité et la stabilité du pays".

En fin de journée, seul un barrage avait été levé de force, à l’entrée nord de Beyrouth, et la voie express qui traverse le pays du nord au sud était en grande partie bloquée.

Banques, écoles et universités sont elles restées fermées jusqu’à nouvel ordre.

Pour le septième jour consécutif, des rassemblements festifs étaient prévus dans la soirée du nord au sud du pays. Et l’orage qui a frappé Beyrouth n’a pas chassé la foule.

Présenté lundi soir par M. Hariri, son vaste plan de réformes économiques n’a pas renversé la situation malgré quelques mesures hautement symboliques comme la baisse de 50 % des salaires des ministres et des députés.

Dans un autre développement significatif au moment où les foules conspuent la corruption des élites, une juge a annoncé mercredi l’ouverture de poursuites pour "enrichissement illicite" contre un ancien Premier ministre, Najib Mikati, à la tête du gouvernement entre 2011 et 2014. La fortune de cet ancien entrepreneur est estimée à quelque 2,5 milliards de dollars.

La presse libanaise tente de lister les pistes d’une sortie de crise sans qu’aucune ne lui paraisse à ce stade convaincante: remaniement gouvernemental pour "sortir" les ministres les plus conspués par la rue, création d’un "comité de pilotage" composé d’experts respectés, élections anticipées…

L’impôt de trop

Aucun leader de la contestation n’a jusque-là émergé. Un "comité de coordination de la révolution" a annoncé sa naissance mardi lors d’une prise de parole sur l’estrade de la place des Martyrs à Beyrouth, mais sans convaincre de sa représentativité.

L’étincelle de la révolte a été l’annonce impromptue le 17 octobre d’une nouvelle taxe, cette fois sur les appels via la messagerie WhatsApp.

L’impôt de trop qui a fait exploser la colère dans un pays où des besoins élémentaires, comme l’eau, l’électricité et l’accès universel aux soins, ne sont pas assurés 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).

Fort de ses bonnes relations avec la communauté internationale, M. Hariri mise de son côté sur un coup de pouce financier de l’étranger pour l’aider à sortir de l’impasse. Il a rencontré mardi les ambassadeurs de France et des Etats-Unis, deux pays amis, pour les convaincre du bien-fondé de son plan d’urgence.

Il espère surtout faire débloquer un fonds de 11 milliards de dollars promis en avril 2018 lors d’une conférence à Paris en échange de réformes structurelles.

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