Les hommes du président Sarkozy piégés par leurs comptes suisses

Le président est cerné par les juges qui remontent peu à peu le fil des «affaires». Les confidences de trois hommes menacent une présidence qui ne tient plus qu’à un fil: la réélection et donc l’immunité de Nicolas Sarkozy.

Les hommes du président Sarkozy piégés par leurs comptes suisses
«Le temps du secret bancaire est révolu.» Avril 2009, Nicolas Sarkozy, tout juste élu, pointait un doigt accusateur sur la Suisse. Deux ans plus tôt, presque jour pour jour, le photographe François-Marie Banier notait dans son journal intime les propos tenus devant lui par Liliane Bettencourt: «De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent. J’ai dit oui.» L’argent que le candidat à la présidence demandait avec insistance provenait d’un compte non déclaré en Suisse.

A posteriori, les assauts lancés par la France contre le secret bancaire suisse passent pour un incroyable autogoal. Cet aveuglement n’était pas l’unique fait du chef de l’Etat. En 2009, Eric Woerth, alors ministre du Budget, avait brandi la liste des clients volée à HSBC. Des éléments suggèrent aujourd’hui que le ministre en aurait retiré le nom de l’avocat Patrice de Maistre, gérant de fortune de Liliane Bettencourt, qui était aussi l’employeur de son épouse. La carrière du brillant ministre a été brisée par l’affaire. Sorti de garde à vue le 11 février dernier, il déclarait: «Croyez-vous vraiment que j’aurais joué les chevaliers blancs contre l’évasion fiscale si j’avais voulu étouffer quoi que ce soit?» «La réponse est dans la question», tranche Edwy Plenel.

Le «clan Sarkozy» est aujourd’hui cerné par des enquêtes qui se rapprochent de jour en jour du sommet de l’Etat, dans trois affaires distinctes. Leur point commun, outre leurs principaux protagonistes, est d’avoir laissé à chaque fois les mêmes traces: des comptes bancaires et des retraits de liquide depuis la Suisse.

1. L’affaire Bettencourt

C’est dans ce dossier que la justice a le plus avancé. Reprise par le juge d’instruction de Bordeaux Jean-Michel Gentil, l’affaire implique un des intimes du clan, Eric Woerth. Deux autres personnages ont beaucoup à dire, même s’ils résistent tant qu’ils peuvent. L’idée de devenir la balance qui impliquerait le chef de l’Etat moins de 20 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle ne tente personne. Le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre en a subi les conséquences le 22 mars. Refusant de s’expliquer sur des retraits en liquide depuis les comptes suisses de la milliardaire dans les jours précédents une rencontre avec Eric Woerth, l’avocat a été placé en détention provisoire. A ce duo s’ajoute, un peu par accident, un autre témoin encombrant. Proche de Liliane Bettencourt à l’époque des faits, l’artiste François-Marie Banier refuse d’éclairer certaines notes accablantes retrouvées dans ses carnets.

2. L’affaire Karachi

C’est le dossier le plus ancien. Remontant à la campagne d’Edouard Balladur en 1995, les transactions suspectes y sont libellées en francs français. Des éléments judiciaires mentionnent la participation de Nicolas Sarkozy dans des montages destinés à récupérer des commissions issues de vente d’armes, notamment au Pakistan, via l’homme d’affaires Ziad Takieddine. Il y est aussi question de comptes en Suisse, utilisés pour faire revenir les commissions vers les caisses du candidat. Edouard Balladur continue d’affirmer que ces sommes en liquides provenaient de la vente de T-shirts.

3. La piste libyenne

Comme l’affaire Bettencourt, elle concerne le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Révélée par Mediapart, l’affaire fait apparaître des indices «graves et concordants sur la lune de miel de Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi», explique Edwy Plenel. Dans le sillage de Ziad Takieddine, c’est une banque suisse qui aurait servi de relais à la dictature libyenne pour avancer des dizaines de millions d’euros au profit du clan Sarkozy. Pour Edwy Plenel, «cette histoire est la clé de compréhension de l’immense cadeau qu’a fait Nicolas Sarkozy à Mouammar Kadhafi à travers l’affaire des infirmières bulgares en juillet 2007, puis en le recevant comme un chef d’Etat à Paris cinq mois plus tard, lui donnant la respectabilité qu’il demandait». Et dans ce dossier, le président et fondateur du site Mediapart promet du lourd: «Ce que nous nous apprêtons à sortir est encore plus énorme.»

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