Le profil du tueur s’étaye

Même tireur trapu d’1,75 m, casqué et habillé de noir, même puissant scooter Yamaha de type T-Max, même calibre 11,43 utilisé à Toulouse contre les victimes du collège juif hier et à Montauban contre les paras d’origine maghrébine jeudi : la police judiciaire est persuadée d’avoir affaire au même tueur «méthodique et déterminé» ayant agi «seul» trois fois en huit jours. Sans connaître le mobile exact de ce «nettoyeur», les policiers privilégient désormais la piste de «l’extrême droite» ou «de l’islamisme violent». Selon un commissaire, le profil de cet homme, «sa maîtrise des armes, son sang-froid exceptionnel, son habileté à piloter une moto et son côté anti-Arabes, anti-Noirs et anti-Juifs» oriente les recherches vers «un militaire», ancien ou en service, «ou un paramilitaire, un fondu d’un groupuscule néonazi entraîné au tir». La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et la Direction de la protection et sécurité de la Défense (DPSD) épaulent les 120 à 150 enquêteurs de la PJ, de la sous-direction antiterroriste (SDAT) et de l’Office central de répression des violentes aux personnes (OCRVP). La DPSD, la police de l’armée, ressort des dossiers de «militaires exclus à cause d’idées néonazies» du 17e régiment de génie parachutiste (RGP) de Montauban et d’autres unités du Sud-Ouest.

Avec le «guet-apens» tendu à Toulouse le 11 mars à la première victime d’origine marocaine ayant passé une petite annonce sur le site internet du Bon Coin pour vendre sa moto, les enquêteurs flairaient que le tueur «voulait se faire un militaire» car le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten avait fait état de «sa qualité de militaire et fourni son prénom». A Montauban, jeudi, le règlement de compte contre l’armée s’est confirmé. En maraude ou posté à côté de la caserne du 17e RGP, le tireur a ciblé trois jeunes en bérets rouges qui retiraient de l’argent au distributeur. Vu que le caporal Abel Chenouf, 26 ans et le première-classe Mohamed Legouad, 24 ans «tournaient le dos» au tireur lorsqu’il les a abattus de balles dans la tête, les enquêteurs ignorent si le meurtrier avait pu deviner leurs origines nord-africaines. «En plus du vecteur commun à ces trois victimes qui est leur statut de militaire, on se demandait si la connotation raciste et xénophobe venait s’ajouter», explique un enquêteur qui n’a plus aucun doute : «Il est clair aujourd’hui que le fil conducteur de tous ces crimes est le racisme et l’antisémitisme.»

«Attentat». Le ministre de l’Intérieur a qualifié la fusillade d’hier d’«attentat». Et c’est le parquet antiterroriste de Paris qui s’est saisi des trois enquêtes pour «assassinats et tentatives en lien avec une entreprise terroriste». En droit français, c’est le mobile qui définit le terrorisme, pas l’explosif ou l’arme utilisé, ni le type d’infraction ou de crime perpétré. Une extorsion de fonds, un vol ou un meurtre peut être qualifié de terroriste s’il est «intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur». Or, le tueur du Sud-Ouest, qui «prémédite» et «planifie» ses actions «tous les quatre jours» frappe «là où on ne l’attendait pas» – une école juive – sème bel et bien «la terreur». Nicolas Sarkozy a annoncé hier soir que le plan Vigipirate a été activé dans la région à son niveau le plus élevé, «écarlate». Car les pouvoirs publics redoutent de «prochaines cibles» comme l’a souligné Claude Guéant sur France 2 : «C’est sûr. Il est passé trois fois à l’acte et ce sentiment d’impunité qu’il arbore nous inquiète.» A chaque fois, le tueur «ne laisse rien au hasard» comme le confie un officier : «Il n’agit pas sur un coup de tête. Ce n’est pas un tueur de masse qui tire dans la foule avec un pistolet automatique place du Capitole. Il sélectionne vraiment ses cibles, écarte une dame à Montauban pour tuer les paras.»

«Tatouage». A Montauban, une dame qui a assisté à la scène croit avoir «aperçu» sous sa visière à moitié relevée lorsqu’il a tourné la tête, «un tatouage ou une cicatrice au niveau de sa joue gauche» mais ce témoignage n’est pas corroboré. Ni par les images de vidéosurveillance du distributeur de Montauban, ni par la caméra à l’entrée du collège Ozar-Hatorah. Car l’homme a «pris toutes ses précautions pour protéger son visage» selon l’officier, «et a peut-être mis une cagoule noire sous son casque dont la visière est restée baissée» pour tuer les trois enfants juifs et le professeur. «Calculateur, il avait prévu une arme de rechange, et quand son pistolet 9 mm s’est enrayé, il a tiré avec son colt calibre 11,43». Huit spécialistes de la cybercriminalité essaient de remonter la piste de l’annonce sur leboncoin.fr mais «tombent sur plusieurs adresses IP car plusieurs acheteurs potentiels ont répondu». Une de ces adresses correspondrait à un cybercafé. «On ne sait pas encore si le tueur a fixé rendez-vous au vendeur par un échange mail ou par téléphone.»

Les enquêteurs manquent d’indices. Le chargeur que l’inconnu a laissé tomber à Montauban ne comporterait pas de traces digitales ou génétiques. Le scooter ne lui appartient pas mais a été volé début mars à Toulouse. Il n’existe «pas de revendication», même si des sites islamistes se «félicitaient» des meurtres de parachutistes. Deux psycho-criminologues travaillent sur le profil de «ce tueur organisé» et «porté par la haine ou une idéologie haineuse» selon un psychiatre expert des grands criminels : «Il y a une dimension épuration chez ce tueur ultrasophistiqué qui prépare avec rationalité et cohérence ses actions et tire de façon ciblée. Il épure l’armée française de ses Arabes et musulmans. Il épure la France des Juifs. C’est un salopard absolu qui n’est pas un malade mental.»

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite