Le premier attentat jihadiste en prison mardi aux assises de Paris

Il voulait "passer à l’acte immédiatement au nom de Daech": le détenu Bilal Taghi, 27 ans, sera jugé à partir de mardi aux assises de Paris pour avoir tenté d’assassiner deux surveillants de la prison d’Osny (Val-d’Oise) en 2016, le premier attentat jihadiste fomenté en prison.

Cette attaque, violente et déterminée, fut un traumatisme pour l’administration pénitentiaire et allait conduire à repenser entièrement le traitement des détenus radicalisés en France.

Cette affaire est aussi exceptionnelle du fait de la personnalité de l’accusé, aussi bavard que les jihadistes incarcérés sont d’ordinaire silencieux. Condamné six mois plus tôt pour un départ avorté en Syrie, Bilal Taghi avait reconnu immédiatement avoir voulu tuer un "représentant de l’Etat français" au nom du groupe Etat islamique.

"Franchement, il y a des chances que je porte à nouveau atteinte aux intérêts de la France si j’en ai l’occasion", avait-il déclaré aux juges d’instruction.

Pour cette attaque minutieusement préparée pour "mener (son) jihad" en France, à défaut de pouvoir repartir immédiatement en Syrie, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Il est presque 15H, le 4 septembre 2016, quand Bilal Taghi sort de sa cellule pour aller en promenade.

Le Franco-marocain dissimule un couteau artisanal sous une serviette qu’il tient repliée, dans une attitude un peu raide qui interpelle le gardien venu le chercher. Le surveillant présume qu’il a voulu emporter de la nourriture en promenade.

Bilal Taghi fait mine de regagner sa cellule pour reposer sa serviette puis se retourne brusquement et poignarde à plusieurs reprises le surveillant Philippe H., notamment au niveau de la carotide, avant de s’attaquer à un second gardien venu aider son collègue.

Les deux hommes parviennent à quitter le couloir et se mettent à l’abri, laissant Bilal Taghi avec quatre autres détenus sortis eux aussi pour la promenade et qui gardent soigneusement leurs distances avec l’homme armé d’un couteau, dont l’un dira qu’"on aurait dit une bête sur sa proie".

Un coeur tracé avec le sang

En attendant l’arrivée des Eris, les équipes d’intervention de la pénitentiaire, Bilal Taghi trempe son doigt dans le sang du surveillant qui macule le sol et trace un coeur sur une vitre. "De l’ironie" dira-t-il plus tard, pour dire aux gardiens qui lui prédisaient qu’il sortirait "les pieds devant" que lui aussi, il "les aimait".

A 18H, les Eris interviennent. Le détenu s’empare d’un chariot de distribution de repas et fonce sur les agents en criant "Allah Akbar", couteau levé en main. Touché par une balle en caoutchouc, il est rapidement maîtrisé.

L’administration pénitentiaire (AP) est sous le choc. Comment est-il possible de n’avoir pas vu la dangerosité de ce détenu, pourtant placé dans l’aire dédiée à la "déradicalisation" d’Osny, une des quatre prisons de France alors dotées de ce dispositif ?

Cette attaque, qualifiée de "premier attentat jihadiste fomenté en prison", sonnera le glas des "aires dédiées", qui seront remplacées à partir de février 2017 par des quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER).

Dans ces QER – il en existe six en France aujourd’hui – la dangerosité et le degré de radicalisation des détenus est mesurée pendant environ quatre mois par une équipe pluridisciplinaire.

Selon le "pronostic" de passage à l’acte, les détenus sont désormais placés en détention ordinaire, en isolement ou en quartier de prise en charge de la radicalisation, totalement séparés du reste de la détention.

Le profil de Bilal Taghi le classe aujourd’hui dans la dernière catégorie: lors de son procès en correctionnelle, il avait admis avoir voulu gagner la Syrie avec sa femme et leur bébé de deux mois, quelques jours après l’attaque contre Charlie Hebdo. Leur entreprise avait tourné court après un accident de voiture en Turquie.

Il avait reconnu une conversion familiale à l’islam radical, avant d’affirmer qu’il ne voulait gagner la Syrie que pour y chercher un de ses frères.

Ses deux aînés sont aujourd’hui considérés comme ayant été tués en Syrie. Deux autres de ses frères ont été expulsés en août 2017 vers le Maroc "en raison de leurs liens avec la mouvance salafiste radicale".

Le procès est prévu jusqu’au 22 novembre.

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