Ses plates excuses n’y auront rien changé. Les critiques qui s’abattent sur Jean-Paul Guerlain rejaillissent désormais sur la marque qui porte son nom – même s’il n’en est plus actionnaire.
Le parfumeur, descendant du fondateur de la maison éponyme, avait déclaré sur le plateau du journal de 13h de France 2, vendredi 15 octobre, à propos de la création d’un de ses parfums : « Pour une fois je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… »
Sur le moment, la présentatrice Élise Lucet ne réagit pas (elle déclarera plus tard à l’antenne « être désolée de ne pas avoir réagit immédiatement »), ce qui vaudra à la chaîne une mise en demeure du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
L’intéressé – bien conseillé ? – semble en tout cas se rendre compte de la gravité de ses propos. Dans un communiqué le jour même de ses déclarations, il écrit : « je présente mes excuses à tous ceux qui ont pu être blessés par les propos choquants que j’ai tenus. (…) Mes paroles ne reflètent en aucun cas ma pensée profonde, mais relèvent d’un dérapage hors de propos que je regrette vivement ».
« Internationalisation de l’affaire »
Fait notable : son texte prend également soin de prendre ses distances avec l’entreprise fondée par son ancêtre, comme s’il anticipait un possible boycottage de la marque. « Il n’est plus actionnaire de Guerlain depuis 1996, ni salarié depuis 2002. Il regretterait que ses propos puissent ternir l’image de l’entreprise et de ses salariés alors qu’ils n’en sont responsables en rien », était-il écrit.
Dès le lendemain, l’association SOS Racisme et le Conseil représentatif des associations noires (Cran) annoncent leur intention de porter plainte. Le Cran demande alors au groupe de luxe LVMH, dont fait partie la maison Guerlain, de « prendre ses distances » avec les propos du parfumeur.
Dimanche, le leader du Cran, Patrick Lozès annonce « l’internationalisation » de l’affaire, sur son blog. « Ces propos détestables auront des conséquences pour LVMH le numéro un mondial du luxe » affirme-t-il en annonçant une réunion avec « les leaders des mouvements des droits civiques américains ainsi que des responsables d’organisations économiques afro-américaines afin d’évoquer les suites internationales qui seront données à l’affaire Guerlain-LVMH ».
Lundi 18 octobre, c’est au tour de la journaliste de France Inter Audrey Pulvar de s’étonner du « silence sidérant » qui avait accompagné cette déclaration.
« Je ne pourrai plus jamais porter la moindre de vos fragrance »
« En France, on peut donc prononcer des paroles racistes à une heure de grande écoute, sur un média national sans qu’aucune grande voix, politique, intellectuelle ou artistique ne s’en émeuve », s’indigne-t-elle.
Elle ne vise donc pas particulièrement l’entreprise, mais lâche une phrase qui fait mouche : « Cher monsieur Guerlain, vous dont l’un des parfums suffisait, à lui seul, à rassurer l’enfant que j’étais quand sa mère s’absentait […] et dont je ne pourrai plus, jamais, porter la moindre fragrance. »
Il faudra attendre lundi après-midi (soit trois jours) pour que la société Guerlain réagisse en son nom propre à la polémique et condamne les propos de Jean-Paul Guerlain. Ce qui sera fait sur sa page du réseau social Facebook.
Mais le mal est déjà fait. Lundi soir, huit membres du collectif Alliance noire citoyenne tentaient d’occuper la boutique du parfumeur sur les Champs-Élysées à Paris.
Une nouvelle action contre la marque est prévue samedi prochain à 15h. Le « Collectif Boycottez Guerlain » (constitué des groupes « Moi non plus j’veux pas bosser comme un nègre », « Les Indivisibles », « Pluricitoyen » et « Boycott Guerlain ») appelle à un rassemblement silencieux devant la boutique pour restituer un maximum de produits de la marque.