Pourquoi êtes-vous opposé à une loi sur le voile intégral?
Hervé Morin: J’ai toujours dit que j’étais très réservé sur une loi d’interdiction générale et absolue du voile intégral, tout en admettant que je m’étais trompé sur celle du voile à l’école en 2004, que je n’avais pas votée. Je considère la burqa comme une agression insupportable aux valeurs de la République , mais il me semble qu’il existe des atteintes autrement plus lourdes à la dignité de la femme. Je regrette que l’esclavagisme moderne par la prostitution de jeunes femmes étrangères arrachées à leur famille pour finir sur nos trottoirs émeuve si peu notre société.
Donc, pas la peine de légiférer?
Le port du voile intégral ne concernerait que 2000 femmes environ en France et d’après les sociologues que j’ai interrogés, celles-ci sont souvent des nouvelles converties engagées dans une démarche de revendication voire de provocation. Comment rendre un tel dispositif législatif applicable aussi bien dans les quartiers sensibles, qu’aux touristes fortunées originaires du Golfe persique, en vacances en France?
Une résolution parlementaire assortie de dispositions réglementaires aurait pu suffire en interdisant à une femme portant le voile intégral d’aller chercher un enfant à l’école, de recevoir des soins à l’hôpital, ou d’entrer dans un service public. Vouloir interdire le voile intégral sur l’ensemble du domaine public, c’est s’exposer à un risque d’inconstitutionnalité et de conflit avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
François Fillon vient de refuser l’urgence sur le projet de loi interdisant le voile intégral. Vous êtes soulagé?
C’est bien. C’est ce que défendait le président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée, François Sauvadet. Il y a un besoin de pédagogie sur ce texte. Plus le consensus sera large, plus le texte de loi aura de force.
La majorité, à commencer par le groupe UMP à l’Assemblée, en fait-elle trop sur le sujet?
Ce n’est pas une question d’UMP ou de Nouveau centre. C’est une question grave que chacun aborde avec sa conscience. Personnellement, le port du voile intégral me heurte profondément comme beaucoup de Français, mais je redis que je suis réservé sur une loi d’interdiction générale et absolue; de plus il me semble que ce n’est pas la première préoccupation du pays. Maintenant, le sujet est sur la table, il faut le traiter.