Gilets jaunes : à Paris, « ça sent la révolution »

Ce samedi, alors que les Gilets jaunes manifestaient dans les rues de la capitale, de nombreuses scènes de guérilla urbaine se sont déroulées en périphérie.

Voitures renversées et brûlées, mobilier urbain endommagé, vélos en libre-service arrachés, radars et lampadaires mis à terre, pavés jonchant la chaussée… Plusieurs arrondissements huppés du centre de Paris, depuis l’Opéra à l’avenue Foche, en passant par la rue de Rivoli ou encore le boulevard Haussmann, ont été en proie au chaos ce samedi.

Depuis Buenos Aires en Argentine, le président de la République a assuré que « les coupables seront identifiés et tenus responsables de leurs actes devant la justice ». Il a également annoncé qu’il tiendrait dès son retour à Paris demain matin, une réunion avec le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et l’ensemble des services concernés. Enfin, il a déclaré qu’il « n’accepterait jamais la violence ».

Plusieurs arrondissements cossus du centre et de l’ouest de la capitale étaient livrés au chaos, noyés dans des nuages de gaz lacrymogènes ou nappés d’épaisses fumées noires. « Ça crame ! » hurle une adolescente, avant de tourner les talons, alors que deux départs de feu commencent à prendre de l’ampleur boulevard des Capucines, haut lieu du shopping parisien.

Non loin de là, le boulevard de la Madeleine est recouvert de pavés et de briques arrachées. Un « A » cerclé, symbole de l’anarchie, a été tagué sur la vitrine d’une banque tandis que flotte dans l’air une persistante odeur de brûlé. Sur la prestigieuse avenue Foch, une quarantaine de manifestants érigent des barricades avec des troncs d’arbre et des barrières, avant d’être aspergés de gaz lacrymogène et d’être repoussés par les forces de l’ordre. Plus loin sur l’avenue, un radar tombé à terre est piétiné par une cinquantaine de personnes.

Des drapeaux français, dont certains ont été hissés sur le toit de l’Arc de Triomphe, côtoient des drapeaux bretons ou ceux représentant des têtes de mort, certains automobilistes klaxonnent les manifestants ou agitent leurs gilets jaunes par leurs fenêtres. Des manifestants se sont également brièvement introduits dans le palais Brongniart, ancien siège de la Bourse de Paris. Ces scènes de violences urbaines se répétaient en plusieurs points de Paris, au grand dam de Gilets jaunes et leurs soutiens venus protester pacifiquement. « Je suis solidaire avec les Gilets jaunes, mais j’ai envie de pleurer face à toute cette violence, ce gâchis », témoigne Fanny, infirmière libérale de 47 ans. « Ça sent la révolution », dit-elle à une journaliste de l’AFP.

"C’est très impressionnant, je vois que la tradition révolutionnaire est toujours très prégnante en France », renchérit Augustin Terlinden, un Belge de 33 ans venu faire son jogging près de l’Arc de Triomphe. « La situation est hallucinante. Nos équipes me rapportent une situation insurrectionnelle ", soulignait également auprès de l’Agence France-Presse Antoine Berth, porte-parole du groupuscule de l’ultradroite Action française.

Sirènes de police et touristes médusés

Depuis les premiers heurts résonnent de manière incessante des bruits d’explosions liés aux incendies de voitures et les sirènes de police et des camions de pompiers, sous le regard médusé de touristes en balade. Certains sapeurs-pompiers ont été pris à partie par des Gilets jaunes boulevard Haussmann alors qu’ils tentaient de résorber plusieurs départs de feu.

Avenue Raymond-Poincaré, envahie de fumée noire après la mise à feu de plusieurs voitures, l’intervention des pompiers se fait sous escorte des gendarmes et sous l’œil de Gilets jaunes. « Vous savez, nous aussi on a du mal à finir les fins de mois, mais on n’a pas le droit de faire grève », glisse un membre des forces de l’ordre. À un autre point de la capitale, un manifestant, gilet jaune sur le dos et crâne en sang, explique avoir « rencontré un flic ». Selon le bilan communiqué à 17 heures, les affrontements ont fait 80 blessés, dont 14 parmi les forces de l’ordre.

Chantal, 45 ans, venue de Lorraine avec son mari et ses deux enfants, approuve une « violence légitime », réponse, selon elle, au « silence de Macron ». « Tous les mois, on finit avec 500 euros de découvert. Ça fait trois ans qu’on n’est pas partis en vacances », souffle cette fonctionnaire qui gagne 1 700 euros par mois.

« Avec des fleurs au fusil, on n’arrive pas à grand-chose », lâche David, la trentaine, travaillant dans les travaux publics en région Rhône-Alpes. Pour Romain, 39 ans, employé à l’Opéra de Paris, les dégradations sont aussi « un mal nécessaire », « une manière de s’exprimer ». Même si, ajoute-t-il, « brûler les voitures de gens, c’est pas cool ». « Il y a beaucoup plus de casseurs que la semaine dernière, c’est plus tendu », observe également le Francilien. Les autorités avaient procédé à 205 interpellations à 18 heures, selon la préfecture de police.

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