François Fillon et les arabes, une relation compliquée.
Il n’y a pas que les instituts de sondages ou la grande majorité de la classe politique française qui ne parvenaient pas à cacher leur surprise de voir François Fillon démentir toutes les prévisions et gagner les primaires à droite et éliminer de manière spectaculaire Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Les capitales arabes, du Golfe et du Maghreb, ont aussi été prises de court par cette performance inédite.
Par Mustapha Tossa
Sauf que l’outsider gagné la palme d’or au détriment de tous les oracles. François Fillon s’est imposé à tous comme le porte drapeau de la droite à cette alternance. Candidat à la primaire, personne n’accordait une importance outre mesure à ces déclarations sur le traitement de choc indispensable aux réformes de l’économie française, ni à ses propositions de rupture dans la politique étrangère de la France et à son nécessaire exercice de rééquilibrage. Les commentaires de l’époque pointaient avec une certaine ironie son tropisme russe et son admiration inexpliquée pour Vladimir Poutine. Même son livre "Vaincre le totalitarisme islamique" pouvait passer pour une simple envolée lyrique d’un candidat qui, parce que écrasé par le poids de ces adversaires, tient absolument à se distinguer.
En termes de distinction, François Fillon marqua quelques points. Dans la stratégie de guerre contre le terrorisme Islamique qu’il propose, il inclue quelques critiques aussi acerbes qu’inédites à l’encontre de certains pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar accusés de développer des accointances coupables avec la mouvance Djihadiste. Ces déclarations sur le ton " L’Arabie saoudite a une responsabilité particulière dans la montée de l’intégrisme", "L’Arabie saoudite n’est certainement pas notre alliée", "Nous devons revoir nos positions avec l’Arabie saoudite et le Qatar", ont marqué les esprits une fois sa victoire aux primaires consommée. Dans son ciblage de ces deux pays, il fut rejoint par un autre candidat, Bruno Lemaire, pressenti par beaucoup comme le futur ministre des affaires étrangères de François Fillon s’il parvient à décrocher l’Elysée.
Il n’en fallait pas plus pour susciter les grandes inquiétudes des pays du Golfe. L’Arabie Saoudite dépêche à Paris Mohamed Ben Salmane, ministre de la Défense et vice-prince héritier du Royaume. Il séjourne à Paris pendant de longues journées dans l’attente d’un rendez-vous avec François Fillon qu’il avait sollicité. Le rendez-vous ne vient pas. L’attente princière fut vaine comme l’a révélé Le Figaro qui, puisant dans l’entourage de Francois Fillon, décrit cette séquence inédite de cette manière: "Nous avons effectivement reçu plusieurs demandes émanant de plusieurs sources pour que le prince rencontre François Fillon, mais nous n’y avons toujours pas répondu, pour l’instant". Si on sait aujourd’hui pour quelles raisons le prince saoudien voudrait voir François Fillon, on ignore les ressorts du refus de ce dernier. Sauf à vouloir à absolument éliminer tous les facteurs extérieurs susceptibles de perturber son inexorable marche vers L’Elysée.
Au Maghreb et en Algérie en particulier, la percée de François Fillon provoqua aigreurs et déceptions. Selon de nombreuses sources, les autorités algériennes voient d’un très mauvais œil l’ascension de François Fillon. Et ce pour deux raisons principales. Son premier cercle contiendrait de nombreux pro-harkis comme l’illustre la présence dans son staff de campagne de Sarah Boualem, élue LR à Marseille et petite-fille du bachagha Saïd Boualem (porte-parole des harkis rapatriés en France en 1962). Signe de la future implication de François Fillon dans le combat des Harkis, Sarah Boualem, avait présenté en septembre dernier François Fillon à son oncle Ahmed Boualem, président de l’Union nationale des combattants supplétifs d’Afrique du Nord.
La seconde raison est la présence dans l’entourage de Francois Fillon de personnalités influentes comme sa porte- parole Valérie Boyer qui donnent régulièrement écho aux critiques à l’encontre des autorités algériennes et dénoncent "les pressions que subissent les militants démocrates amazighs et plus particulièrement kabyles en Algérie".