Forum des droits humains à Essaouira: la culture comme outil pour contrer la stigmatisation des migrants

La 12e édition du Forum des droits humains s’est tenue vendredi à Essaouira sous le thème « Mobilités humaines et dynamiques culturelles » dans le cadre de la la 26ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, en partenariat avec le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME).

Ce forum sur les mobilités humaines, qui se tient sur deux jours en présence du Conseiller du Roi, André Azoulay et et président fondateur de l’Association Essaouira-Mogador, ainsi qu’un parterre d’universitaires, d’experts et d’historiens, a pour pour objectif d’élargir le débat sur les apports culturels des migrations et des diasporas pour les pays d’origine, de transit et de destination.

Ouvrant ce forum, la productrice du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, Neila Tazi, a appelé à réinscrire la culture au cœur du débat migratoire eu égard au rôle des mobilités et des migrations humaines dans la création culturelle.

Selon Mme Tazi, les migrations constituent des moteurs essentiels de la création culturelle, puisqu' »en changeant de lieu de vie et de résidence, les individus emmènent avec eux leurs traditions, leurs langues, leurs croyances et leurs pratiques artistiques ».

Ces échanges culturels, a-t-elle dit, donnent naissance à des formes culturelles hybrides qui voyagent partout dans le monde, d’autant plus qu’aujourd’hui, les nouveaux moyens de communication accélèrent les dynamiques de circulation des idées et des influences.

De nos jours, la culture devient une brèche, un passage vital et une fenêtre d’espoir dans un monde où les frontières se ferment et les murs s’érigent, a souligné l’organisatrice du Festival Gnaoua.

En revanche, a-t-elle poursuivi, le repli identitaire est devenu à présent une réalité sur plusieurs continents, notant que le discours sur les mobilités humaines et sur les migrations est « plus appauvri que jamais », réduit à des logiques sécuritaires ou économiques pures, d’où la nécessité de placer la culture au centre de tout débat autour de la migration.

Pour Neila Tazi, ce Forum »fait désormais partie de l’ADN du Festival » et constitue un espace d’échange entre des intervenants et une audience de grande qualité.

Dans son intervention, le président du CCME, Driss El Yazami, a quant à lui identifié plusieurs facteurs de la migration, notamment les tensions géopolitiques, les inégalités en matière de développement humain et l’amélioration des conditions de vie dans les pays du Sud, notant que la migration est devenue une ressource importante pour plusieurs individus.

De même, il a fait remarquer qu’avec un milliard de personnes en mobilité à travers le monde, tous les pays sont aujourd’hui traversés par ces dynamiques migratoires, avec deux tiers des migrants installés en Europe et en Asie.

Évoquant la diversification des profils des migrants, M. El Yazami a noté que l’image dominante du travailleur immigré qui part du Sud vers le Nord est toujours présente, à côté d’autres formes de migration dont il a cité la circulation des compétences, l’immigration des mineurs non accompagnés et la mobilité des étudiants.

Un nouveau mode de gestion s’impose face à cette diversification grandissante qui met à l’épreuve les politiques d’accueil, souvent pensées pour des profils uniques, a insisté le président du CCME, estimant que « cette diversité est une richesse qui suppose une gouvernance adaptée ».

Dans sa diversité, la migration « reflète aussi la diversité des mondes où nous sommes appelés à cohabiter et invite à revoir la manière de penser l’identité, la citoyenneté et le vivre-ensemble », a-t-il soutenu.

Dans le cadre des différents panels, les participants ont mis en exergue les expressions artistiques et les représentations culturelles comme levier puissant contre la stigmatisation liée aux mobilités et migrations, appelant à la promotion d’un espace de dialogue, de mémoire partagée et de reconnaissance des apports culturels des migrants dans leurs sociétés d’accueil.

A cet égard, les panélistes ont fait remarquer que la migration ne se résume pas aux seules données géopolitiques et économiques, mais se reflètent aussi dans des récits artistiques et des représentations culturelles qui façonnent la manière dont les sociétés perçoivent et racontent les mobilités humaines.

Dans un monde marqué par des tensions identitaires croissantes, les expressions culturelles des mobilités humaines rappellent que la migration est d’abord une histoire humaine de courage, de transmission, de transformation et de liens à raconter et à transmettre, ont-ils précisé.

Les participants ont mis l’accent sur l’importance majeure de l’art et de la culture dans la promotion d’une nouvelle approche de gestion de la question migratoire, fondée sur l’inclusion, la compréhension mutuelle et la valorisation des parcours de migration comme récits porteurs de sens.

Dans cette optique, la culture devient un espace de négociation identitaire, où les appartenances multiples s’expriment et cohabitent, en jetant des ponts entre les groupes et en favorisant la reconnaissance mutuelle.

Les intervenants ont par ailleurs pointé du doigt l’instrumentalisation de la migration pour alimenter la peur des migrants, soulignant la nécessité d’élaborer des récits percutants pour contrer ce narratif et démontrer l’apport de la mobilité humaine et sa dynamique dans l’enrichissement des sociétés d’accueil.

Mettant en avant l’importance des migrations Sud-Sud, des migrations féminines et celles estudiantines, phénomènes souvent méconnus malgré leur impact significatif, les intervenants ont insisté sur l’importance de changer la perception sur les mobilités humaines et de promouvoir la recherche dans ce domaine.

Ils ont également souligné la responsabilité qui incombe aux nouvelles générations dans les pays d’accueil de capitaliser sur la diversité comme une force nationale.

Et de relever que les communautés africaines, en particulier, ont eu un impact positif mondial qui mérite d’être célébré et reconnu, à même de servir de point de départ pour revaloriser leur propre récit et leur place dans un monde en perpétuelle mutation.

La 26e édition accueille plus de 350 artistes, dont 40 Maâlems Gnaoua, réunis dans des fusions musicales entre gnaoua et des musiques du monde, sur les scènes emblématiques d’Essaouira.

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