Figure catholique, le Canadien Jean Vanier accusé d’abus sexuels
Grande figure catholique décédée l’an passé, le Canadien Jean Vanier est accusé d’abus sexuels sur plusieurs femmes dans une enquête dévoilée samedi par l’association L’Arche qu’il a fondée, dont les responsables se disent « bouleversés ».
Selon cette organisation qui accueille dans le monde entier des personnes ayant une déficience intellectuelle, cette enquête a permis de recueillir les témoignages « portant sur la période 1970-2005 » de six femmes adultes, non handicapées.
Diplômé de philosophie et de théologie, Jean Vanier « a initié » avec elles « des relations sexuelles, généralement dans le cadre d’un accompagnement spirituel, et dont certaines ont gardé de profondes blessures », explique l’Arche internationale dans un communiqué.
« Ces agissements indiquent une emprise psychologique et spirituelle de Jean Vanier sur ces femmes et soulignent son adhésion à certaines des théories et pratiques déviantes du père Thomas Philippe », ajoute l’Arche.
Décédé en 1993, le dominicain Thomas Philippe, père spirituel de Jean Vanier et figure encombrante de l’Arche, a été soupçonné d’agressions sexuelles sur des femmes.
Menées par un organisme indépendant, les investigations n’ont pas conduit à identifier de personnes handicapées parmi les victimes. Et l’enquête ne précise pas les lieux où se sont déroulés les faits.
Selon une synthèse publiée par L’Arche, « plusieurs des femmes ont déclaré qu’elles étaient vulnérables à l’époque et que Jean Vanier en était conscient ».
Vulnérables « parfois à cause d’un passé familial difficile, ou bien parce qu’elles étaient en recherche d’une figure paternelle, ou d’admiration et de reconnaissance, ou qu’elles cherchaient une direction spirituelle ».
– « C’est Jésus qui t’aime » –
« Ce n’est pas nous, c’est Marie et Jésus. Tu es choisie, tu es spéciale, c’est un secret », disait-il, selon les témoignages. « C’est Jésus qui t’aime à travers moi. »
« J’étais comme figée », a relaté l’une des femmes. « Je réalisais que Jean Vanier était adoré par des centaines de personnes, comme un saint vivant, qu’il parlait de son soutien aux victimes d’abus sexuel, ça avait l’air d’un camouflage. »
Ces révélations, aux antipodes de l’humanisme que prônait le fondateur de l’Arche, ont abasourdi les responsables de l’organisation.
« Nous sommes bouleversés et nous condamnons sans réserve ces agissements en totale contradiction avec les valeurs que Jean Vanier revendiquait par ailleurs », ont écrit les responsables de l’Arche Internationale, Stephan Posner et Stacy Cates Carney, dans une lettre adressée aux membres de l’organisation.
« Nous voulons dire aussi notre gratitude aux femmes qui, il y a quelques années, ont brisé ce silence au sujet du père Thomas Philippe et ont ainsi aidé d’autres à se libérer d’un fardeau injuste de honte et de peine », ont-ils ajouté, leur demandant « pardon ».
« L’écart est si vertigineux entre l’homme que j’ai connu et celui que je découvre… Je lutte pour accepter, alors même que je sais les faits indiscutables », a réagi Pierre Jacquand, responsable France de l’Arche, cité par l’hebdomadaire chrétien La Vie.
Jean Vanier avait été progressivement reconnu dans l’Eglise catholique comme une grande figure sociale et spirituelle. Sa mort à 90 ans, en mai 2019, avait fait réagir jusqu’au pape François, qu’il avait rencontré.
La Conférence des évêques de France a fait part de sa « stupeur » et de sa « douleur » devant ces révélations, assurant de sa « compassion les femmes qui ont été ainsi abusées », ainsi que de sa « détermination à agir pour que la lumière soit faite ».
L’église catholique est secouée depuis plusieurs années par une série de scandales d’abus sexuels.
« Les actes commis par Jean Vanier sont inqualifiables et insupportables », « en totale contradiction avec tout ce qu’il a écrit et dit durant sa vie », a réagi la Corref, qui représente les religieuses et religieux des instituts et congrégations.
L’Arche, dont le siège international est à Paris, est une fédération d’associations qui anime 154 lieux dans 38 pays où des personnes handicapées mentales vivent – spécificité de ces communautés – avec leurs accompagnants, salariés ou volontaires.
Le Canadien a aussi cofondé en 1971 le réseau chrétien Foi et Lumière, qui revendique plus de 1.400 « communautés de rencontre » autour de personnes handicapées dans 86 pays.