Plusieurs milliers à Paris, selon les organisateurs, un millier à Marseille (sud-est), quelques centaines à Toulouse (sud-ouest) : pour beaucoup drapeau algérien à la main ou sur le dos, les membres de l’importante diaspora établie dans l’ancienne puissance coloniale de l’Algérie sont descendus dans la rue.
Ils protestent contre la perspective du maintien à la tête du pays du président de 82 ans, au pouvoir depuis vingt ans et affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC.
Le président "est inconscient, il n’existe plus, ce sont les généraux et son entourage qui profitent dans son dos", dénonce un manifestant de Toulouse, Asri, 54 ans, installé en France depuis 31 ans. "Nous voulons que les 40 voleurs s’en aillent, ils sont allés trop loin, ils ont dépassé les limites".
À Marseille, la foule de tout âge s’est réunie dans une ambiance bon enfant porte d’Aix, le quartier historique de l’immigration algérienne. "Je suis très fière" de la mobilisation, se réjouit Iptaa Handburg, 30 ans. Pour cette médecin urgentiste née en Suisse, il faut aujourd’hui faire "place aux jeunes!"."Si demain, ce pays n’est plus gouverné par des mafieux, je rentre", affirme-t-elle.
Abderrahmane Mokrani, 73 ans, se dit lui aussi "très fier car la peur a changé de camp". "Laïc à 100%", il espère une nouvelle constitution et une "deuxième République en Algérie", libre et sociale.
Sur l’emblématique place de la République à Paris, les chants alternaient avec les slogans ("Dégage, dégage", "Pouvoir assassin") dans une foule brandissant des pancartes pour dire "Non au mandat de la honte" ou proclamer que "Le peuple veut changer de régime".
Alors que le le dossier de candidature à la présidentielle du 18 avril de l’actuel chef de l’État doit être déposé dans les heures qui viennent, les orateurs criaient "leur révolte", appelaient à "l’État de droit et à la démocratie". "L’Algérie a rendez-vous avec l’Histoire", a affirmé l’un d’eux.
Depuis 1962, date de son indépendance, "l’Algérie est gouvernée par les mêmes hommes, le même système. (…) L’Algérie est à plat, alors que c’est un pays potentiellement très riche. Que laisse-t-on aux générations futures ?", s’insurge un manifestant, Abderrahmane Hamirouche, un informaticien de 62 ans.
Nadia Tamzali, une médecin franco-algérienne de 62 ans, dénonce "la confiscation de la parole" et "la prise de pouvoir par les militaires". "Ils ont tué la culture — pratiquement tous les cinémas ont disparu. Et la santé !…", déplore-t-elle.
A ses côtés, une amie relève ironiquement : "on n’a pas d’hôpital mais on a une grande mosquée !".
Pour Sabria Dehilis, secrétaire nationale chargée des médias à l’étranger du parti Les Avant-gardes des Libertés, le mouvement actuel de contestation sans précédent en Algérie et dans la diaspora préfigure un changement : "ça va être un printemps". "Un printemps pacifique", ajoute la journaliste.
Son parti est l’un des multiples mouvements politiques ou associatifs qui se sont joints à la manifestation, né d’un appel citoyen sur les réseaux sociaux.