Des fouilles archéologiques racontent le quotidien du camp de concentration du Struthof

Réalisés dans le cadre d’importants travaux de restauration, des sondages archéologiques achevés mardi au Struthof (Bas-Rhin), seul camp de concentration installé sur le territoire français, ont mis en évidence des éléments du quotidien des geôliers nazis.

"Même si ce ne sont que des objets anodins, des boutons de manchette ou de pantalon, c’est déjà énorme, car cela donne une chair et une présence aux bourreaux", explique Frédérique Neau-Dufour, directrice du Centre européen du résistant déporté (CERD), lieu de mémoire érigé à l’entrée du camp de Natzweiler-Struthof.

D’avril 1941 à septembre 1944, le camp, construit en Alsace annexée sur le site d’une station touristique de montagne, a reçu quelque 17.000 déportés, 52.000 en tenant compte de la nébuleuse d’annexes regroupées de part et d’autre du Rhin. Près de 22.000 y sont morts.

Au pied de l’imposant mémorial national de la déportation qui leur rend hommage et surplombe le camp, une tranchée d’une soixantaine de mètres, creusée par une équipe d’archéologues alsaciens, a permis de localiser une baraque administrative utilisée par les officiers SS.

Un fragment de sol, une canalisation et un pilier de béton, découverts à plusieurs mètres de profondeur, sont les seuls vestiges du bâtiment, détruit par les alliés lorsqu’ils transformèrent le camp en centre pénitencier pour la détention de civils allemands et de Français accusés de collaboration de 1944 à 1949.

Lors des fouilles, "des objets intimement liés au quotidien des SS" ont fait surface, raconte Alexandre Bolly, archéologue responsable du chantier.

De la monnaie allemande, des éléments d’uniformes, des couverts et de la vaisselle sont désormais exposés sous verre au sein du CERD comme autant de témoignages de la vie du camp.

"En Pologne, la première intervention archéologique à Auschwitz-Birkenau a été menée en 1967. À Sobibor, c’est toute la chaîne opératoire de la mort de masse qui a pu être mise en lumière grâce à l’archéologie. Nous sommes vraiment en retard en France", note Michaël Landolt, archéologue pour la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Grand Est.

"Face aux destructions d’archives opérées par les nazis afin d’effacer les traces de leurs crimes, l’archéologie peut permettre de combler les lacunes de la documentation", estime-t-il.

Masque à gaz

Au Struthof, les recherches se sont étalées sur une semaine et 3.000 m² le long des flancs escarpés de la montagne où des déportés politiques, des juifs, des tziganes et des homosexuels venus de toute l’Europe ont été détenus dans des conditions effroyables, à plus de 800 mètres d’altitude.

Outre la localisation du baraquement administratif, le diagnostic archéologique a mis en évidence des travaux de renforcement effectués sur un mirador et révélé des pierres de la route originelle menant à l’entrée principal.

En contrebas du camp et de sa potence, dans la terre entourant la chambre à gaz utilisée pour tuer et mener des expériences pseudo-médicales, les morceaux décrépis d’une cartouche de masque à gaz ont été exhumés.

"Ce morceau de masque à gaz est une preuve de plus face à l’argumentaire des négationnistes. On pourrait leur demander pourquoi dans une chambre à gaz, qui soi-disant ne fonctionnait pas, les SS devaient utiliser un masque", relève l’historienne Frédérique Neau-Dufour.

Après ce premier diagnostic qui "laisse présager un important potentiel de découvertes", une "réflexion est en cours" pour mener des programmes de fouilles plus importants, poursuit-elle.

Les sondages archéologiques ont été effectués dans le cadre de travaux de restauration menés depuis 2012 au Struthof, pour lesquels le ministère des Armées a apporté quelque 6 millions d’euros.

"L’objectif est de rendre au camp l’aspect qu’il avait à la période concentrationnaire", avance Pierre Dufour, architecte en chef des monuments historiques.

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