"Pardon de m’inviter au dernier moment", s’est excusé le président à son arrivée dans la Maison des associations de Bourg-de-Péage (10.500 habitants) dont le ministre Didier Guillaume, qui a organisé le déplacement du chef de l’Etat, a été maire.
Arrivé vers 18H00, M. Macron s’est assis au milieu de l’assemblée, à laquelle participaient une poignée de "gilets jaunes". Et s’est prêté à un jeu de questions-réponses.
Peut-être une réponse aux critiques de certains élus et de Laurent Wauquiez qui lui avaient auparavant reproché d’avoir des contacts "filtrés" avec les Français, lors du déjeuner-débat à la préfecture de Valence.
"Je suis là pour vous écouter, entendre, absorber" et "s’il vous plait, soyez libres", a lancé aux maires, pour la plupart de communes rurales, le chef de l’Etat qui, après les deux débats marathon de la semaine dernière, a cette fois pris la parole pendant une demi-heure seulement.
Prenant des notes entre deux coups de fourchette, Emmanuel Macron a écouté 35 maires, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez et enfin la présidente LR du Conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton.
"Ce n’était pas un débat, chacun a fait un exposé de trois minutes. Ensuite le président a tenté de répondre mais on peut comprendre qu’il ne puisse pas répondre à 60 expressions en 15 minutes, sans d’ailleurs apporter de réponses concrètes", a rapporté à l’AFP Nicolas Daragon, le maire LR de Valence.
"Le président doit se mettre à portée d’engueulade", a également estimé le maire PS de Bourg-en-Bresse, Jean-François Debat.
Laurent Wauquiez lui a reproché son "écoute" tardive, responsable selon lui des "tensions" dans le pays. "Il faut réconcilier la France des villes et la France rurale", a ajouté le patron des Républicains. Il a ensuite encouragé, devant la presse, le président à aller sur le terrain pour échanger "directement avec les Français, sans filtre", lui reprochant de faire "des voyages dans une bulle".
"Je ne voudrais pas qu’il y ait des caricatures" mais "il faut voir l’état dans lequel on a pris le pays", a répliqué Emmanuel Macron à Laurent Wauquiez, avant de faire l’éloge de la "décentralisation" et de la "déconcentration" pour "des décisions au plus près du terrain", en jugeant le processus "trop lent".
"On prendra des décisions, a déclaré le chef de l’Etat à la sortie. Ce n’est pas un débat simplement pour entendre, j’attends aussi des propositions concrètes. Toutes ces propositions donneront lieu, soit à des textes de lois, soit à des décisions d’organisation, soit à des modifications plus lourdes", a-t-il promis.
Pendant le déjeuner, les élus ont détaillé une longue liste de doléances. "Nos concitoyens parlent du Ric, de démocratie plus consultative, ils souhaitent la reconnaissance du vote blanc, plus de services publics, la réduction du train de vie de l’Etat. Certains proposent des solutions plus radicales", a expliqué M. Daragon.
Gérard Collomb, le maire de Lyon, était assis tout sourire à deux places du président, des retrouvailles officielles pour les deux hommes depuis le départ avec fracas du gouvernement de l’ex-ministre de l’Intérieur, en octobre. Emmanuel Macron "écoute et essaie de répondre aux problèmes", a-t-il assuré.
"Monstropoles"
"Qu’est-ce qu’on veut ? Des monstropoles d’un côté et des communes abandonnées de l’autre ?", a demandé le socialiste Aurélien Ferlay, président des maires ruraux de la Drôme et maire de Moras-en-Valloire, 657 habitants.
"Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles", a-t-il conclu, convoquant Albert Camus dans la salle Barjavel de la préfecture.
Nicolas Rubin, maire LR de Châtel, en Haute Savoie, a pris de court l’assistance en chantant d’une belle voix deux strophes de la chanson "Marionnettiste" de Pierre Bachelet, devant un Emmanuel Macron tout sourire.
Dehors, un périmètre de sécurité tenait à bonne distance quelques dizaines de "gilets jaunes" mobilisés malgré le vent glacé.
Macron "veut faire un débat citoyen mais il faut qu’il passe par les citoyens. On ne peut pas s’approcher, on est contrôlés. On ne passe pas si on a un +gilet jaune+", déplorait notamment derrière un des cordons de CRS Dominique Roux, artisan de 47 ans résidant à Etoile-sur-Rhône.
"C’est difficile de parler aux 66 millions de Français en même temps", a fait valoir Gérard Collomb, prônant la multiplication de réunions avec élus et associations.