Après la brusque chute de son économie la France est entrée officiellement en récession, conséquence directe de l’épidémie de coronavirus dont le bilan humain ne cesse de s’alourdir, avec plus de 10.000 morts.
Un effondrement historique de 6% du PIB de janvier à mars, soit la pire performance trimestrielle depuis 1945 : le chiffre publié jeudi par la Banque de France témoigne des brutales pertes de revenus notamment dans les secteurs de la construction, du commerce, des transports, de l’hébergement et de la restauration.
L’activité générale a notamment été inférieure d’environ un tiers (-32%) à la normale sur les quinze derniers jours de mars.
« L’impact (économique) sera considérable, il est encore beaucoup trop tôt pour l’apprécier » totalement, a mis en garde mercredi après-midi le Premier ministre Edouard Philippe devant le Sénat.
Face à cette crise sans précédent, l’Etat se tient prêt à renflouer le capital d’Air France et de Renault, a indiqué le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
Alors que le confinement, commencé le 17 mars, devra vraisemblablement être prolongé au-delà du 15 avril, les Français sont plus que jamais appelés à rester chez eux.
Dans son dernier avis, rendu public mardi soir, le Conseil scientifique considère que la fin du confinement ne pourra être envisagée que lorsque la « saturation » des services de réanimation aura été « jugulée », qu’une « réduction du nombre de cas Covid-19 sur le territoire national » aura été observée et que les « mesures de contrôle » qui prendront le relais seront « opérationnelles ».
Mais pour l’heure, « l’élément essentiel et capital est la poursuite d’un confinement strict sur plusieurs semaines », a insisté mercredi son président, Jean-François Delfraissy, sur franceinfo.
Nouvelles restrictions
De nouvelles restrictions sont entrées en vigueur alors qu’autorités et soignants craignent un relâchement avec la conjonction des beaux jours et des vacances de Pâques (en zone C pour le moment, Ile-de-France et Occitanie).
Dans la capitale et cinq autres départements franciliens, toute activité sportive individuelle est désormais interdite de 10h00 à 19h00, face au nombre inhabituel de « joggeurs » multipliant les sorties.
Mercredi matin, le long du canal Saint-Martin à Paris, ils étaient nombreux à courir au soleil ou à pratiquer ping-pong, tai-chi, rollers ou encore stretching, avant que les policiers ne sifflent, à 10H00, la fin de la partie.
La France a enregistré mardi un nouveau très lourd bilan quotidien dans les hôpitaux, avec 597 décès supplémentaires en 24 heures, soit un total de 7.091 depuis début mars. S’y ajoutent 3.237 morts recensés dans les Ehpad et établissements médico-sociaux, soit un total de 10.328 morts.
Au total, 7.131 patients nécessitent des soins lourds en réanimation, « un indicateur que l’épidémie continue sa progression », a relevé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon.
Toutefois, avec les sorties, l’augmentation nette du nombre de patients en réanimation est de moins en moins forte, avec un solde de +59 mardi.
« Nous ne sommes pas encore au pic », a répété le N°2 du ministère de la Santé. « Nous ne sommes qu’à la phase ascendante même si elle ralentit un peu, donc aborder le déconfinement aujourd’hui n’a aucun sens ».
Dans le Grand Est, première région à avoir été durement touchée par l’épidémie, le pire semble passé, selon Jean-François Delfraissy. Le gouvernement a limogé le directeur de l’Agence régionale de Santé (ARS), qui avait suscité un tollé en estimant qu’il fallait poursuivre les suppressions de postes au CHRU de Nancy.
Quant à la région parisienne, dont les hôpitaux restent soumis à très rude épreuve, « on est probablement juste à la limite », a estimé le président du Conseil scientifique.
« La situation continue d’être préoccupante » en Ile-de-France, où plus de 2.500 malades sont hospitalisés en réanimation, selon l’ARS qui juge « très probables » que de « nouveaux transferts de patients » vers d’autres régions soient organisés rapidement.
La maladie pourrait avoir touché jusqu’au porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, qui croisait dans l’Atlantique et va avancer son retour: une quarantaine de cas suspects de coronavirus ont été découverts à son bord.
Signes dermatologiques
Sur le front des traitements, les premiers essais cliniques devraient commencer à donner des résultats dans les prochains jours.
« C’est une maladie qui est beaucoup plus compliquée qu’on ne le croyait, qui touche des organes, le système nerveux, la coagulation, le cœur », a décrit Gilles Pialoux, chef de service de l’unité des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon, sur BFMTV et RMC.
Des dermatologues du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues ont eux alerté sur ce qu’ils considèrent comme des « manifestations cutanées » de la maladie Covid-19: pseudo-engelures, urticaire, ou rougeurs persistantes. La Société Française de dermatologie a quant à elle appelé à la « vigilance », mais aussi à la « prudence » tant que ces cas ne sont pas précisément documentés.
Pendant ce temps, la France poursuit ses efforts pour s’approvisionner en masques, convoités par l’ensemble de la planète où l’épidémie a fait plus de 82.700 morts.
Les « commandes sûres » atteignent désormais 1,6 milliard d’unités, selon le ministre de la Santé Olivier Véran. Après avoir été suspendu en raison du durcissement des contrôles sanitaires en Chine, le pont aérien entre Paris et Shanghai pour acheminer du matériel médical et des masques reprend via Séoul.
« Il n’est pas question qu’il y ait des guerres des masques entre les collectivités locales et l’État », a par ailleurs assuré le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, au Sénat.
Alors que le gouvernement maintient pour l’heure sa recommandation de réserver l’usage des masques aux soignants et personnes infectées, l’association des maires de France recommande à son tour le port du masque artisanal.
A Sceaux, au sud de Paris, les habitants doivent désormais se couvrir nez et bouche pour sortir. Chose faite avec parfois les moyens du bord, écharpe ou vieux t-shirt.
Le gouvernement, qui continue à préparer l’après, planche aussi au développement d’une application sur smartphone, utilisable « sur la base du volontariat » pour identifier les personnes ayant été en contact avec une autre infectée par le coronavirus.