Christian de Boissieu pour la création d’une banque régionale de financement dans le cadre de l’UPM

Christian de Boissieu pour la création d’une banque régionale de financement dans le cadre de l’UPM
Atlasinfo.fr : Peut-on parler d’une reprise économique ?

Christian de Boissieu : Il semble malheureusement que ce n’est pas le cas. Si plusieurs indicateurs montrent depuis quelques mois un ralentissement notable de la récession, la reprise économique n’est pas encore à l’ordre du jour.

Les pays africains ne payent-ils pas lourdement la note de cette crise ?

Je suis un peu moins pessimiste que vous. D’abord parce que je constate que les banques africaines ont globalement bien résisté. Il n’y a pas eu vraiment de crise de banques africaines due à la crise américaine, à la crise d’un certain nombre de banques du Royaume Uni, d’Allemagne… etc. Donc les banques se portent bien dans la plupart des pays africains malgré cette crise financière mondiale. Deuxième facteur positif, quand je regarde le taux de croissance des pays d’Afrique en moyenne, on est à 4 ou 5% par an. La résilience du continent a été forte en 2009 face à la récession mondiale. Je constate qu’il y a eu une forte résistance de la part du Continent africain grâce aussi à ses ressources, à ses moteurs internes. L’Afrique est bien sûr dans la mondialisation. Mais il y a eu moins de ralentissement des flux de la part des émigrants africains qui sont en Europe ou ailleurs. Il y a même eu un certain maintien de l’investissement direct étranger. Il apparaît aussi que les pays du Golfe, qui avant la crise ont fait des investissements importants dans les pays du Maghreb et dans certains pays d’Afrique subsaharienne, ne se sont pas désengagés

La situation aurait pu être mieux s’il y avait une intégration économique solide au niveau continental ?

Ce qui me préoccupe aujourd’hui le plus pour un certain nombre de pays africains, en particulier, ceux qui bordent la Méditerranée (UPM), c’est le retard dans la mise en œuvre de l’Union pour la Méditerranée. Il ne faut absolument pas renoncer à l’UPM. Le somment de Barcelone, qui était prévu le 21 novembre, a été repoussé compte tenu du contexte politique (conflit israélo-palestinien) mais il y a un autre conflit qui est celui du Sahara occidental entre le Maroc et l’Algérie. Ces conflits ne vont pas être réglés rapidement. Mais en même temps, il faut avancer sur l’UPM par la relance de projets concrets tels que l’énergie, l’eau, l’environnement et autres projets lancés qu’il faut reprendre malgré les difficultés politiques.

De tels projets nécessitent des financements…

Justement. Moi je suis partisan de la création d’une banque régionale de financement, dans le cadre de l’UPM, qui permettrait de regrouper des fonds qui sont aujourd’hui un peu dispersés entre la commission européenne, la Banque européenne d’investissement..,etc. Il faut arriver à rassembler des Fonds dans cette banque régionale et des financements qui seront affectés à la réalisation de projets d’intérêts communs dans les domaines de l’énergie, des transports, de la recherche mais également dans le domaine bancaire et financier. C’est par le biais des réalisations concrètes que nous arriverons à avancer malgré les obstacles politiques. Et je crois sur tous ces sujets à l’intérêt des partenariats public/privé.

Qu’en est-il de la crise et de ses effets sur l’économie marocaine?

L’économie marocaine a fait preuve de résilience face à la crise et le Maroc a développé aux côtés des industries traditionnelles d’autres industries comme le secteur des nouvelles technologies, ce qui lui a permis d’être totalement dans la nouvelle économie. Mais c’est un pays qui a aussi des défis à relever, le principal étant celui du chômage en général. Le Maroc a une croissance de 4 à 5 % par an, cela lui permettra de créer de l’emploi et de réduire les inégalités sociales.
Le partenariat entre le Maroc et l’Europe joue, à ce titre, un rôle important. La Chine est très présente aujourd’hui dans beaucoup de pays africains, ce qui est évidement une opportunité importante : les Chinois arrivent avec de l’argent, des personnes qualifiées, de l’investissement et des technologies. Pour nous Européens qui avons des relations privilégiées avec l’Afrique, il va falloir relever ce défi. Vive la concurrence ! L’Europe va devoir trouver de nouvelles formes de partenariat avec le Maroc, la Tunisie, l’Algérie ou d’autres pays.

Christian de Boissieu pour la création d’une banque régionale de financement dans le cadre de l’UPM
Quel regard portez-vous sur l’ouverture politique et économique du Maroc ?

Très sincèrement, je suis assez impressionné par l’ouverture économique du Maroc. J’y vais régulièrement et je suis depuis 25 ans l’évolution du Maroc que je considère comme un pays ouvert sur les plans économique et politique. Je suis également impressionné par la compétence et la qualité des responsables marocains, hommes et femmes. Je pense, également, qu’en matière de gouvernance économique, le Maroc a réalisé d’énormes progrès. Je pourrais à ce titre vous citer des tas d’exemples de patrons de grandes entreprises, de PME, qui sont tout à fait au niveau des meilleurs responsables d’entreprises des pays les plus avancés. Le Maroc n’a aucun complexe à se faire et il faut qu’il continue dans cette voie.

Quelles sont les perspectives offertes par le statut avancé octroyé par l’Union européenne au Maroc?

C’est un nouveau cadre de partenariat qui englobe un potentiel important à exploiter. L’accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats Unis est aussi pour nous Européens une force de rappel parce qu’avec l’exemple des Etats-Unis ou de la Chine, nous sommes tous en forte concurrence y compris sur les stratégies de partenariat. Et puis il y a un domaine dans lequel il faut vraiment rester très ambitieux, c’est celui de la recherche, de l’enseignement supérieur, des liens pratiques entre les universités et les entreprises. Tout cela conditionne fortement la compétitivité et la croissance de demain. Compte tenu de notre histoire commune mais surtout de nos objectifs partagés, tout ce qui va dans le sens de l’extension des partenariats, du renforcement de nos liens me paraît positif.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite