Canada: accusé de conflits d’intérêt, Trudeau assume ses « erreurs » et se défend
Justin Trudeau a assumé des « erreurs » mercredi après la publication d’un rapport l’accusant d’avoir violé la loi sur les conflits d’intérêt en faisant pression sur sa ministre de la Justice. Mais à deux mois d’élections législatives indécises, le Premier ministre a assuré avoir agi dans l’intérêt des Canadiens.
"J’assume la responsabilité des erreurs que j’ai faites", a rapidement réagi le Premier ministre libéral. Il a toutefois expliqué qu’il contestait certaines conclusions du rapport et réaffirmé qu’il avait toujours agi pour tenter de sauver des emplois. "Je n’ai pas à m’excuser pour avoir défendu les emplois des Canadiens", a-t-il estimé lors d’une conférence de presse.
Le Premier ministre et son entourage avaient été plongés en février dans la pire crise politique de son mandat après avoir été accusés par l’ex-ministre de la Justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould d’avoir exercé sur elle des pressions "inappropriées" pour éviter un procès au géant de l’ingénierie SNC-Lavalin, ce qu’elle a refusé de faire.
"La position d’autorité dont bénéficient le premier ministre et son Cabinet ont servi à contourner, à miner et finalement à tenter de discréditer la décision de la directrice des poursuites pénales ainsi que l’autorité de Mme Wilson-Raybould", a estimé dans un communiqué Mario Dion, Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
L’entourage de M. Trudeau a ainsi "demandé de façon irrégulière à la procureure générale de tenir compte d’intérêts politiques partisans dans cette affaire, ce qui va à l’encontre des principes constitutionnels", précise le communiqué.
Suite à cette affaire, qui avait éclaté en février, le Premier ministre avait demandé à un groupe d’experts un rapport sur la nécessité de changer le système actuel, qui veut que le ministre de la Justice occupe également les fonctions de procureur général, censé être indépendant.
M. Trudeau a dévoilé ce rapport quelques heures après la publication de celui du Commissaire à l’éthique: il conclut que cette "double casquette" peut être maintenue.
– Scandale SNC-Lavalin –
SNC-Lavalin a tenté d’obtenir du gouvernement un règlement à l’amiable des accusations de fraude et de corruption liées à ses activités en Libye, ce qui lui aurait permis de payer une amende et d’éviter des sanctions plus sévères en cas de procès.
M. Trudeau a toujours nié avoir agi de manière inappropriée, mettant en avant les nombreuses pertes d’emplois liées à une éventuelle condamnation, qui aurait privé l’entreprise de juteux contrats publics pendant 10 ans.
Mais son étoile avait pâli suite à ce scandale: en tête des sondages depuis son élection en 2015 face aux conservateurs, Justin Trudeau avait vu son taux d’approbation chuter. Les Libéraux, longtemps distancés, sont revenus au niveau des Conservateurs dans les intentions de vote.
Fin 2017, le Premier ministre avait déjà été reconnu coupable d’avoir enfreint la loi sur les conflits d’intérêt pour être allé à deux reprises aux frais de son hôte sur l’île privée aux Bahamas de l’Aga Khan, chef spirituel des ismaéliens nizârites, un mouvement musulman.
Le chef des conservateurs, Andrew Scheer, a jugé que le chef du gouvernement était "totalement impardonnable".
"Les Canadiens comprennent que nous devons être vigilants à l’égard de ceux qui veulent abuser du pouvoir de leur poste et se livrer à ce genre de comportement corrompu, et je crois que ce sera une priorité lors de cette élection", a-t-il ajouté.
La tempête politique déclenchée par le scandale SNC-Lavalin avait entraîné la démission de deux hauts responsables proches du Premier ministre et la démission de deux ministres, dont Mme Wilson-Raybould, qui ont ensuite été expulsées du Parti libéral.
Cette dernière a salué un rapport qui "confirme ma position depuis le début", à savoir qu’il y a eu "de nombreuses tentatives d’influencer ma décision de façon inappropriée". Mme Wilson-Raybould se présentera en candidate indépendante lors des prochaines législatives.
SNC-Lavalin, dont le siège social se situe à Montréal et qui emploie quelque 9.000 salariés au Canada, a été accusé en 2015 d’avoir payé 47 millions de dollars canadiens (31 millions d’euros) en pots-de-vin entre 2001 et 2011 pour obtenir des contrats en Libye pendant le régime de Mouammar Kadhafi.
Fin mai, un juge canadien avait statué qu’il existait suffisamment d’éléments à charge pour citer l’entreprise à comparaître.