Brésil : l’heure de vérité a sonné pour Jair Bolsonaro

L’heure de vérité a sonné pour Jair Bolsonaro, qui pourra démontrer à partir de mardi s’il est aussi habile à diriger le Brésil, première puissance régionale, qu’à remporter les élections avec des diatribes contre la corruption, les partis de gauche et la théorie du genre.

Système anti-missiles, avions de combat et important déploiement de forces au sol, la cérémonie d’investiture du président élu d’extrême droite à Brasilia aura lieu sous haute surveillance. Jair Bolsonaro a frôlé la mort le 6 septembre après avoir été poignardé à l’abdomen par un déséquilibré lors d’un bain de foule.

L’ancien militaire âgé de 63 ans arrive à la tête de l’Etat brésilien auréolé d’une large victoire dans les urnes et entouré d’un paysage politique dévasté par quatre années de scandales de corruption, de crise économique et de hausse de la criminalité. La gauche est divisée et les partis de centre droit réduits à la portion congrue.

Le Parti social libéral (PSL) du président élu, avec à peine 52 sièges sur 513, sera la deuxième force d’une chambre des députés plus atomisée que jamais.

Pour gouverner, le nouveau dirigeant devra s’employer à conserver le soutien des groupes parlementaires qui représentent les intérêts de l’agro-business, des défenseurs du port d’armes et des églises évangéliques.

Il pourra aussi compter sur le soutien du monde des affaires, séduit par ses promesses de réductions fiscales et de privatisations.

Virage à 180 degrés

Mais l’ambition affichée de faire prendre au Brésil un virage à 180 degrés s’annonce complexe pour le futur président. La réforme du système des retraites, jugée essentielle par son équipe, fait grincer des dents, y compris dans son camp. Par ailleurs, le rapprochement affiché avec Israël est observé avec méfiance par les exportateurs de viande, influents au Brésil, qui craignent les représailles commerciales des pays arabes.

Depuis les élections, Jair Bolsonaro a dû faire marche arrière sur certaines promesses.

"Nous sommes à la veille de la prise de pouvoir du président élu et il existe encore une grande inconnue sur la façon dont il va gouverner", juge Rogerio Bastos Arantes, professeur de sciences politiques de l’université de Sao Paulo (USP).

Pour l’heure, ses principales annonces concrètes concernent le retrait du Brésil du pacte mondial de l’ONU sur les migrations et la fin de la coopération médicale avec Cuba.

Ces mesures contentent son électorat mais sont encore loin de sa promesse de s’adresser à l’ensemble des Brésiliens, "sans distinction d’origines, de race, de sexe, de couleur de peau ou de religion", comme il l’avait affirmé devant la Cour suprême le 10 décembre.

"Bolsonaro doit dire à la société ce qu’il compte faire d’un point de vue positif, pas seulement négatif", fait valoir l’expert. "C’est très difficile de gouverner et d’établir des relations avec les institutions sur la base de sa rhétorique de campagne", prévient M. Bastos Arantes.

Dans ce même discours, Jair Bolsonaro a aussi promis de secouer le système en établissant "une relation directe" avec le peuple, via les réseaux sociaux, qu’il affectionne, à l’image de Donald Trump, dont il est un admirateur déclaré.

"Les élections d’octobre ont mis en lumière des pratiques différentes à celles du passé. Le pouvoir populaire n’a plus besoin d’intermédiaire. Les nouvelles technologies permettent une relation directe entre les électeurs et ses représentants", a affirmé le président élu, laissant entrevoir la possibilité d’un recours au référendum.

100 premiers jours

M. Bolsonaro, un nostalgique de la dictature au Brésil (1964-85), a formé un gouvernement composé de 22 membres, dont 7 militaires à la retraite, seulement deux femmes et pas un seul Noir.

Parmi les hommes forts du futur pouvoir brésilien, Paulo Guedes, un "Chicago Boy" pour redresser l’économie, le général Augusto Heleno, son mentor, en charge du renseignement, et Sergio Moro, une superstar de la lutte anticorruption à la Justice.

Le choix d’un fervent admirateur de Donald Trump aux Affaires Étrangères et d’une pasteure évangélique anti-avortement aux Droits de l’Homme en dit aussi long sur la ligne politique que le président Bolsonaro compte suivre.

Le gouvernement a annoncé cette semaine qu’il se donnait 100 jours pour mettre en route les réformes prioritaires et éventuellement révoquer certains décrets et lois existants. Il a donné rendez-vous aux Brésiliens le 11 avril pour une "cérémonie de célébration des 100 jours".

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