Ballon d’Or: un trophée en perte de crédibilité?
Le Ballon d’Or voit sa crédibilité malmenée, tant il est miné par des controverses et des incohérences qui remettent en question sa légitimité, en dépit de sa convoitise par tous les footballeurs.
La réflexion sur cette distinction s’avère délicate, car elle vise à honorer un individu dans un sport collectif, un exercice intrinsèquement complexe. Bien qu’il n’y ait pas de définition officielle quant à l’attribution de ce titre, la majorité des experts s’accordent à dire que le lauréat devrait être le joueur ayant le plus contribué à hisser son équipe au sommet, mais les lacunes du système compromettent cet objectif.
La liste des 30 nommés 2025 de France Football révèle un déséquilibre flagrant avec 18 attaquants pour seulement 4 milieux centraux, 3 milieux défensifs, 3 latéraux, un défenseur et un gardien, reflétant une vision partiale favorisant l’attaque. Cette habitude, héritée de l’époque Ronaldo-Messi où les chiffres de buts et passes décisives régnaient, perdure même en cas d’absences injustifiées, témoignant d’une approche qui peine à rendre compte de la complexité du sport. Pour les gardiens de but, cette injustice a été corrigée avec le Trophée Yachine, du nom du soviétique Lev Yashin, l’unique gardien de but à avoir remporté le Ballon d’Or en 1963, récompensant leur rôle crucial mais souvent sous-estimé.
Le processus est non seulement entaché par le choix des 30 nominés par France Football, souvent influencé par des considérations médiatiques plutôt que méritoires, mais également par les 100 journalistes des meilleures nations FIFA, dont les votes peuvent être biaisés par des préférences locales ou personnelles. Cette obsession pour les G+A (buts et passes décisives), ostensiblement mis en avant sur le site de France Football, conforte une vision simpliste, omettant le fait que le football, c’est aussi des gestes techniques, des interceptions, des passes, de l’élégance, du collectif.
Un autre problème structurel réside dans le système de votes, avec des jugements disparates. La victoire de Rodri au Ballon d’Or 2024 (1 170 points contre 1 129 pour Vinícius Jr) est due à une dispersion des votes ayant désavantagé les Madrilènes, dont les voix se sont éparpillées entre Vinícius Jr, Jude Bellingham et Dani Carvajal, tandis que Rodri a profité d’un consensus autour de ses performances décisives avec Manchester City et l’Espagne à l’Euro 2024. Cette disparité (49 premières places pour Rodri, 35 pour Vinícius, 16 pour d’autres joueurs comme Bellingham) a rendu le vote serré. Cette dispersion des voix illustre la subjectivité du vote et la valorisation des titres collectifs par les journalistes.
On pense à Ronaldo en 2013 face à un Frank Ribéry ou un Lionel Messi plus titrés et décisifs, ou à Messi en 2019 devant un Virgil Van Dijk impérial. Des exemples extrêmes comme le top 5 du journaliste sri-lankais en 2018 avec Eden Hazard en tête ou son vote pour Trent Alexander-Arnold et Pierre-Emerick Aubameyang en 2019, porté par l’euphorie post-Ligue des champions de Liverpool. Les votes 100% liverpuldiens de pays comme le Bhoutan ou le Guatemala en 2019 illustrent aussi ces dérives. Plus récemment en 2024, le journaliste nigérian avait osé placer son compatriote Ademola Lookman en première position.
Ajoutons à cela une autre curiosité : Ousmane Dembélé, favori grâce à ses prestations au PSG, bénéficie d’un soutien du journal L’Équipe, propriété du groupe Amaury, lui-même détenant également France Football. Compte tenu de sa saison stratosphérique, loin est l’idée de remettre en question la légitimité de Dembélé à prétendre briguer ce titre face à des talents comme Vitinha, Achraf Hakimi, Lamine Yamal ou Pedri, mais cela interpelle.
Le Real Madrid lui, avait choisi de boycotter le Ballon d’Or 2024, critiquant une distinction qui semble parfois plus dictée par des considérations subjectives que par le mérite. Les Rois d’Europe avaient alors choisi la loi du silence sur ce trophée: personne ne mentionne le Ballon d’Or, ni le Gala, et aucun communiqué n’est publié. Le bruit court déjà que, pour 2025, le club pourrait réitérer ce boycott.
Au vu de la subjectivité grandissante de ce trophée, beaucoup tendent à se tourner vers d’autres trophées jugés plus représentatifs du theatre footballistique, tels que le prix de Joueur de l’année de l’UEFA, ou le trophée The Best organisé par la FIFA. D’autres, poussent vers une réforme du système de votes, afin que le Ballon d’Or, le flagship des trophées individuels, ne perde pas l’aura qu’il a amassé durant toutes ces années.
Jadis considéré comme le symbole ultime de la grandeur individuelle dans le football, le Ballon d’Or s’est transformé au fil des décennies en un cirque médiatique où le sensationnalisme prime sur la reconnaissance de la compétence pure et des performances individuelles quantifiables. Ainsi, la quintessence de la récompense individuelle gage d’une reconnaissance universelle du talent, interroge désormais sur sa capacité à désigner sans équivoque le meilleur joueur de la saison, remettant en question sa légitimité dans un football contemporain où le prestige individuel est souvent occulté par des considérations politiques et commerciales.
