Algérie: violents affrontements au sommet de l’Etat
A deux mois de la présidentielle, les Algériens assistent, médusés, à un affrontement d’une rare violence au sommet de l’Etat. Avec l’attaque frontale lancée le 3 février par le chef du FLN, Amar Saïdani, contre le général Toufik, le puissant patron du DRS (ex-sécurité militaire), la «ligne rouge» a été franchie publiquement.
Le hic, c’est que personne ne croit qu’un vieux routier du système comme le patron du FLN, fidèle parmi les fidèles du président Bouteflika, se soit soudain converti aux vertus de la transparence démocratique ou ait lancé une charge aussi périlleuse sans être «couvert» et sans solides garanties. Sa sortie est du coup analysée comme une offensive du «clan présidentiel» contre Toufik (74 ans) pour le mettre en retraite et forcer la voie à une nouvelle présidence Bouteflika. Le quotidien arabophone El-Khabar a même annoncé la destitution de Toufik Médienne.
« Les hostilités ouvertes entre l’état-major et le DRS, deux piliers majeurs de l’institution sécuritaire algérienne, semblent bien cependant dépasser le cadre de la présidentielle et la candidature éventuelle de M. Bouteflika contre laquelle au fond, personne, au sommet de l’Etat, n’a opposé de veto », écrit le journal le Monde de jeudi. « Mais le système d’arbitrage traditionnel ne fonctionne plus. L’équilibre interne originel au sein de l’armée est rompu », relève-t-il.
« Une usure synonyme sans doute également de fin de règne », en présence d’acteurs issus d’une même génération : Gaïd Salah, chef de l’état-major, est âgé de 74 ans, « Toufik », né en 1939, est aussi l’un des derniers « janviéristes » (hauts cadres de l’armée à l’origine de l’arrêt du processus électoral de 1991) à occuper un poste officiel.
« Créé en 1990 pour succéder à la Sécurité militaire née pendant la guerre d’indépendance, le Département du renseignement et de la sécurité avait peu à peu pris son autonomie jusqu’à devenir un Etat dans l’Etat redouté », poursuit le Monde, rappelant que c’est lui qui contrôlait jusqu’ici les nominations des militaires. Et c’est lui qui a lancé des opérations judiciaires retentissantes dans la lutte contre la corruption qui ont parfois concerné des proches de M. Bouteflika, comme Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’énergie poursuivi en justice.
« Aujourd’hui, le balancier revient en sens inverse, et une partie de l’armée paraît vouloir reconquérir le terrain perdu », souligne-t-il.
Mardi dernier, le président Bouteflika est sorti de son mutisme à l’occasion du crash meurtrier d’un avion militaire. Volonté de calmer le jeu ou trop de provocations contre le DRS deviendraient périlleuses pour ses proches, particulièrement pour son frère Saïd ? «Nul n’est en droit, quelles que soient ses responsabilités de s’en prendre à l’Armée nationale ni aux autres institutions constitutionnelles» du pays", déclarait-il.
Dans une lettre adressée à Said Bouteflika pour les besoins d’un ouvrage qu’il entend consacrer à la famille Bouteflika, , Hicham Aboud, ex-officier du DRS, ancien propriétaire des quotidiens "Mon Journal" et "Djaridati", interdits de publication, accuse le frère cadet du président algérien de "perversion sexuelle", trafic de drogue et corruption. Plusieurs quotidiens et médias algériens ont laissé entendre que les graves accusations de Hichem Aboud sont une manœuvre orchestrée par le clan du général Toufik. Le grand déballage a commencé…