Algérie : la foule dans la rue pour demander la fin du régime

Le geste de l’armée contre Abdelaziz Bouteflika sera-t-il jugé suffisant par les manifestants  ? C’est la rue qui va répondre ce vendredi, jour hebdomadaire de manifestations. Alors que le président Abdelaziz Bouteflika a perdu de multiples soutiens au cours de la semaine, la contestation contre le régime semble toujours vive. Plusieurs fidèles d’Abdelaziz Bouteflika, dont le chef d’état-major de l’armée, l’ont appelé cette semaine à partir.

Une foule énorme réclame vendredi à Alger, pour la 6e semaine consécutive, le départ du « système » au pouvoir, quelques jours après la proposition du chef d’état-major de l’armée d’écarter le président Abdelaziz Bouteflika du pouvoir, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse.

Aucun chiffre officiel n’est disponible, mais des sources sécuritaires font état de « centaines de milliers de manifestants » à Alger et recensaient de manière non exhaustive des marches d’ampleurs diverses dans 36 des 48 wilayas (préfectures) du pays vers 15 heures GMT.

"FLN dégage"

La mobilisation est sensiblement similaire à celles des trois semaines précédentes, jugées exceptionnelles par les analystes et les observateurs. Le généra Gaïd Salah est devenu vendredi la cible directe des manifestants qui, interrogés par l’Agence France-Presse, disent souhaiter le départ de l’ensemble du régime et pas seulement celui du chef de l’État.

« Gaïd Salah, complice du système », indique une affiche. « Bouteflika tu partiras, emmènes Gaïd Salah avec toi  ! » scandent également les manifestants à Alger, ou « FLN dégage », en référence au Front de libération nationale, formation du président Bouteflika et ancien parti unique qui domine la vie politique depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Le président du Conseil de la nation (chambre haute du Parlement), Abdelkader Bensalah, appelé à assurer l’intérim si Abdelaziz Bouteflika quitte le pouvoir, est aussi une cible des manifestants, dont certains brandissent son portrait souligné de l’injonction « Dégage  ! ».

Amine, 45 ans, a pris la route aux aurores depuis Béjaïa (180 km à l’est d’Alger) pour manifester dans la capitale. « Nous sommes là pour lancer un dernier appel à ce pouvoir : prenez vos bagages et partez  ! » dit-il. Les dirigeants algériens « nous prennent pour des cons », estime de son côté Samir, vétérinaire de 40 ans. « Après chaque manifestation, on nous sort un nouveau truc pour essayer de nous calmer. Mais nous on veut qu’ils partent tous, il n’y a que ça pour nous calmer. » Le cortège, où dominent comme chaque vendredi les couleurs du drapeau national – vert et blanc, frappé de l’étoile et du croissant rouge –, chante en chœur l’hymne national, mais aussi le refrain de « La liberté », chanson du rappeur algérien Soolking, dédiée au mouvement populaire.

Un président isolé

Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, et à la tête de l’Algérie depuis vingt ans – un record de longévité –, est toujours en fonction, après plus d’un mois de contestation inédite. Mais, lâché par une large partie de l’ossature du système au pouvoir, il apparaît extrêmement isolé. En prônant mardi la mise en œuvre de mécanismes constitutionnels pour écarter Abdelaziz Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée depuis quinze ans et jusque-là soutien indéfectible du président, a rapidement rallié à sa cause l’essentiel de ceux qui étaient les plus zélés prosélytes du chef de l’État.

Pilier de sa majorité politique, le Rassemblement national démocratique (RND) a, par l’intermédiaire de son patron Ahmed Ouyahia, encore Premier ministre il y a moins d’un mois, demandé au chef de l’État de démissionner. Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA, principale centrale syndicale, qui chantait il y a peu les louanges du président et entraînait l’appareil dans un soutien à un 5e mandat présidentiel, s’est lui aussi rangé derrière la proposition du général Gaïd Salah. Ali Haddad, s’il n’a pas publiquement rompu son allégeance, a annoncé sa démission de la présidence du Forum des chefs d’entreprise (FCE), principale organisation patronale, où son autorité était fortement contestée depuis le début du mouvement populaire. Devenu au fil des ans un instrument de soutien politique au chef de l’État, le FCE avait, derrière Ali Haddad, lui aussi fortement appuyé la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat.

Seul le Front de libération nationale (FLN), l’ancien parti unique majoritaire à l’Assemblée, n’a pas encore déserté, mais les dissidences s’y font de plus en plus entendre. Ce 6e vendredi de manifestations à travers l’Algérie – théâtre les semaines précédentes de très importants rassemblements – dira si l’éventuelle mise à l’écart du président, très affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, suffira à calmer la contestation, à un mois de l’expiration constitutionnelle de son mandat actuel.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite