Même si l’agenda de cette visite pouvait donner l’impression d’être alourdi eu égard à l’actualité internationale et par un lourd passif bilatéral, – le mot d’orde d’Alain Juppé est de "ne pas ressasser le passé colonial"- la question du Sahara fait partie de ces rubriques obligatoires que les responsables politiques français ne peuvent éviter d’aborder. Et Alain Juppé, dynamique ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, n’y échappa mais apporta par la même occasion une tonalité assez nouvelle dans la manière d’aborder cette crise.
Alors qu’à Rabat comme à Alger, le constat a été fait depuis longtemps que cette affaire du Sahara paralyse toutes les ambitions politiques et fait peser sur la région une lourde menace sécuritaire, Alain Juppé effectue une sortie qui surprend dans sa forme mais compréhensible dans la dynamique qu’elle sous-entend: "La question du Sahara n’est pas de nature à nuire aux relations entre le Maroc et l’Algérie". Pour la vox populi de Casablanca ou d’Oran, cette tonalité peut peut paraitre quelque peu surréaliste. C’est à se demander si l’on est en présence d’une conviction basée soit le déni total soit sur la méthode Coué poussée à l’extreme. D’autres peuvent avancer qu ‘il s’agit de la fameuse perception du verre à moitié plein qu’induit les nombreux échanges de visites ministérielles entre Alger et Rabat.
Alain Juppé peut toujours arguer qu’il inscrit sa démarche dans une logique de construction positive et qu’il veut insinuer par ce volontarisme l’indispensable obligation de dépasser les blocages de l’instant pour envisager des lendemains meilleurs. Il le confie encore plus quand il fait ce constat aussi entrainant que porteur d’illusions immédiates : " Le Maghreb progresse vers une construction d’une zone de prospérité et d’intégration et de ce point de vue l’amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc me parait extrêmement constructive et nous ferons tout pour aller dans ce sens et apporter notre petite pierre à l’édifice".
Cette petite pierre dont parle Alain Juppé, le President Nicolas Sarkozy avait promis de la poser dès le début de son mandat lorsqu’il s’était attelé à lancer le grand chantier diplomatique du quinquennat, l’Union pour la Méditerranée, (UPM). La réussite de ce grand projet dépendait certes de la juste résolution du conflit israélo palestinien mais aussi de la nécessaire réconciliation algérois-marocaine. Une médiation entre le Roi Mohamed VI et le President Abdelaziz Boutelflika menée tambours battants par un Nicolas Sarkozy au fait de sa gloire était dans tous les tuyaux. L’histoire dira si cette médiation avait été tentée et pour quelles raisons elle ne fut pas couronnée de succès. A titr de récente illustration, l’histoire de l’ouverture de frontières qui aurait pu adresser un grand signal d’apaisement à toutes la région traversa quelques épisodes rocambolesques susceptibles de défaire l’enthousiasme des plus pessimistes
Et depuis les autorités algériennes ne ratèrent aucun occasion pour reprocher à Paris de s’être alignée sur Rabat et de militer pour la marocanité du Sahara. Lors de sa visite à Alger, Alain Juppé évita de montrer une position aussi tranchée. Il se contenta de s’exprimer en terme très diplomatiques:" Sur le Sahara occidental, notre position est de soutenir le processus des Nations unies"
Alain Juppé, le fils préféré de Jacques Chirac, a de qui tenir. Dans le second tome de ses mémoires, l’ancien President de la république qui vient de défrayer la chronique politique en apportant un soutien fracassant au socialiste Francois Hollande, explique pour quelle raisons il a toujours soutenu "le point de vue marocain" sur la question du Sahara, "partie intégrante du royaume". Jacques Chirac écrit " La monarchie reste le seul garant à nos yeux (de la stabilité)" au Maroc.