La Haye a d’abord dévoilé mardi avoir pris une participation de 12,68 % dans Air France-KLM, puis précisé mercredi soir avoir atteint son objectif en montant jusqu’à 14 % du capital, soit une part équivalente à celle de l’Etat français (14,3 %), et s’arrêter là .
Quelques heures plus tôt, assurant que Paris n’avait "pas été informé de cette décision et de sa mise en oeuvre", Emmanuel Macron a appelé les Pays-Bas à "clarifier" leurs intentions, estimant que "ce qui importe c’est que l’intérêt de la société soit préservé". Le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire recevra son homologue néerlandais en fin de semaine, selon Paris.
Un conseil d’administration exceptionnel du groupe franco-néerlandais s’est réuni mercredi et a appelé à la "vigilance".
Selon le quotidien De Volskrant, le Premier ministre Mark Rutte a personnellement averti M. Macron tandis que le ministre des Finances néerlandais a appelé M. Le Maire, mais une fois l’opération terminée.
Ce dernier a critiqué une "décision incompréhensible et inattendue", estimant que "dans un environnement extrêmement concurrentiel", l’objectif devait "rester le même pour les Pays-Bas comme pour la France: le renforcement d’Air France-KLM".
Techniques de trader
Auparavant, Bercy avait qualifié cette opération d’"inamicale" et "surprenante", estimant que la démarche rappelait des "techniques de trader plutôt que d’un Etat actionnaire".
"La position de KLM s’est sans cesse érodée ces derniers mois", a déploré le ministre néerlandais Wopke Hoekstra en annonçant l’opération mardi. "Nous avons désormais le pouvoir de vote", a-t-il déclaré, promettant d’être un ‘"actionnaire actif".
Pour De Volkskrant, le gouvernement s’est senti contraint d’investir dans Air France-KLM, jugeant son influence insuffisante pour protéger les intérêts nationaux. La Haye craint qu’à terme, une grande partie des vols de KLM ne soit transférée à Paris, ce qui ferait perdre à l’aéroport de Schiphol sa fonction de hub, selon la ministre de l’Infrastructure néerlandaise Cora van Nieuwenhuizen.
Selon Bercy, un protocole d’accord portant sur "la préservation de la plateforme de Schiphol" avait été "négocié par Air France-KLM avec les autorités néerlandaises" et était prêt à être signé mardi. "Pour l’instant il va être mis de côté", a ajouté le ministère.
Selon M. Hoekstra, cela faisait plusieurs années que l’Etat néerlandais réfléchissait à entrer dans le capital d’Air France-KLM en raison d’importants doutes sur la stratégie de la compagnie.
-"un peu de mystère" –
A la Bourse de Paris, l’action Air France-KLM a plongé de 11,74 % à 11,24 euros mercredi, certains opérateurs craignant une "escalade de tensions".
Pour Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC côté Air France, "la prise de position de l’Etat (néerlandais, NDLR) montre un certain chauvinisme néerlandais sur KLM. C’est un coup politique". "Il ne faut pas oublier qu’à une époque, Air France a permis de sauver KLM", a-t-il ajouté.
Le ministère français de l’Economie a dit "récuser absolument" un manque de coopération de Paris sur la gouvernance d’Air France-KLM, faisant état d’"un dialogue nourri avec La Haye sur la prise en compte des intérêts néerlandais" depuis plusieurs mois.
"Il y a un peu un mystère sur ce que souhaitent véritablement les Néerlandais", a estimé la même source, en assurant que les préoccupations sur Schiphol et sur la gouvernance ont été "prises en compte".
La question d’une croissance équilibrée des deux compagnies revient souvent sur la table depuis la fusion d’Air France et KLM en 2004, la compagnie néerlandaise progressant sagement, sa soeur française étant secouée régulièrement par des conflits sociaux.
Le capital d’Air France-KLM se répartit désormais entre l’Etat français (14,3 %), l’Etat néerlandais (14 %), Delta Air lines (8,8 %), China Airlines (8,8 %), les employés (3,9 %), 0,3 % en autocontrôle, le reste étant aux mains d’actionnaires non identifiés.
L’irruption des Pays-Bas au sein du capital intervient également après une période de fortes tensions autour du renouvellement du mandat de Pieter Elbers, PDG de KLM depuis 2011, et de l’entrée au conseil de surveillance de KLM du Canadien Benjamin Smith, aux commandes d’Air France-KLM depuis septembre.
Les frictions semblaient s’être apaisées le 19 février, M. Elbers ayant reçu confirmation de la reconduction de son mandat. Il avait en outre été nommé directeur général adjoint d’Air France-KLM tout comme Anne Rigail, patronne d’Air France.