Affaire Omar Raddad : la défense dépose une demande de révision du procès

La défense de Omar Raddad, ce jardinier marocain condamné puis gracié sans jamais être innocenté pour le meurtre de sa patronne Ghislaine Marchal, a déposé, jeudi, une demande de révision du procès de l’une des plus célèbres affaires criminelles en France.

Trente ans jour pour jour après la découverte du corps de sa patronne Ghislaine Marchal, le jardinier marocain Omar Raddad, désigné par la célèbre inscription « Omar m’a tuer » sur la scène du crime, a déposé jeudi en France une nouvelle demande en révision de sa condamnation, dans un des plus fameux dossiers criminels français.

« Si je saisis aujourd’hui la Cour de révision, c’est parce que les éléments nouveaux sont suffisamment forts », a expliqué Me Sylvie Noachovitch, avocate du jardinier, lors d’un point presse devant la Cour de cassation, en référence à de nouvelles analyses ADN.

« Au nom des droits de l’Homme, je vous demande de le soutenir, parce que véritablement un homme est innocent et se bat (…) Il a certes été gracié mais cela ne le blanchit pas », a poursuivi Me Noachovitch.

Cette requête remet en pleine lumière une des plus retentissantes affaires criminelles françaises depuis trois décennies, à l’origine de nombreux livres et d’un film.

Un élément central, la faute de grammaire dans la phrase « Omar m’a tuer », est pratiquement entrée dans le langage courant en France. Elle a été reprise dans d’autres contextes et est régulièrement détournée. Par exemple, dans un livre sur l’ancien président Nicolas Sarkozy intitulé « Sarko m’a tuer » ou lorsque fait florès le mot-dièse #homardmatuer lors d’un polémique politicienne en 2019.

Le recours, rarement couronné de succès en matière criminelle, s’appuie sur un nouveau rapport où il est fait une découverte majeure.

Quatre empreintes génétiques correspondant à quatre hommes non-identifiés – deux ADN parfaitement exploitables et deux autres partiellement – ont été trouvées sur deux portes et un chevron de la cave dans laquelle le corps de Ghislaine Marchal, riche veuve de 65 ans, avait été retrouvé le 24 juin 1991. Sur ces deux portes avait été écrit « Omar m’a tuer » (sic) et « Omar m’a t ».

Dans ce rapport rendu en 2019, l’expert Laurent Breniaux, relevant 35 traces de cet ADN dans l’inscription « Omar m’a t », concluait en faveur de l’hypothèse d’un dépôt de ces empreintes au moment des faits et non d’une « pollution » ultérieure, notamment par les enquêteurs.

En d’autres termes, selon la défense d’Omar Raddad, il est plausible que ces traces génétiques aient été déposées par l’auteur de l’inscription. Celle-ci n’aurait donc pas été écrite par Mme Marchal agonisante mais par un homme, potentiellement le meurtrier, cherchant à désigner un bouc émissaire.

Pour Me Sylvie Noachovitch, il s’agit bien d' »éléments nouveaux susceptibles de faire naître un doute sur la culpabilité » du condamné, condition requise pour obtenir de la Cour de révision qu’elle ordonne un nouveau procès.

Ce n’est pas la première fois qu’Omar Raddad tente cette demande. En janvier 1999, de nouvelles expertises graphologiques et génétiques avaient été ordonnées.

Elles avaient écarté la graphologie comme élément déterminant de l’enquête et avaient mis au jour un ADN masculin « en très faible proportion », différent de celui de M. Raddad.

De quoi faire naître un doute sur sa culpabilité, justifiant de saisir la Cour de révision.

Mais le 20 novembre 2002, la Cour rejetait la demande d’un nouveau procès estimant qu' »il est impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées ».

Pour la défense du jardinier, le rapport de 2019, profitant des avancées scientifiques, balaye cette conclusion rendue à l’époque des balbutiements de la preuve ADN.

« La révision en 2002 ne tenait qu’à un fil et ce fil ne tient plus aujourd’hui: c’est historique », s’enthousiasme Me Noachovitch.

Agé de 58 ans, Omar Raddad, qui vit désormais à Toulon, est toujours en arrêt maladie longue durée, « mais il a repris espoir », confie-t-elle.

Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion, sans possibilité de faire appel à l’époque, Omar Raddad avait bénéficié d’une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d’une libération conditionnelle en 1998.

« Pour moi malheureusement, sept ans, deux mois et huit jours derrière les barreaux, il est trop tard pour me les rendre », avait déclaré Omar Raddad en 2008, après une rencontre avec la ministre de la Justice pour plaider sa cause.

« Mais pour la vérité, il n’est jamais trop tard. Le combat continue. Je combattrai jusqu’au dernier jour de ma vie », avait-il ajouté.

Les révisions de condamnations pénales restent rares en France dans les affaires criminelles.

Si la requête d’Omar Raddad est jugée recevable, elle sera examinée au fond par la commission d’instruction de la Cour de révision lors d’une audience, possiblement « d’ici la fin de l’année », espère son avocate.

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