Morsi, un président en perdition
En pleine crise économique et accusé d’autoritarisme, la popularité du dirigeant islamiste s’effondre.
Des violences qui ont été imputées par Mohamed Morsi à des «criminels» qui seront «poursuivis et traduits en justice». Mais ces heurts marquent surtout l’affaiblissement du président islamiste, accusé par l’opposition de dérive autoritaire et fragilisé par une constante baisse de popularité depuis son élection en juin.
Samedi, le Front du salut national (FSN), la principale coalition opposée aux Frères musulmans dont Morsi est issu, a menacé de boycotter les élections législatives qui devraient se tenir en mars ouavril. Estimant qu’une «nouvelle vague révolutionnaire» s’était levée en Egypte, le Front du salut national exige la formation d’un nouveau gouvernement dans les prochains jours, le limogeage du procureur général et la création d’une commission de juristes pour amender la Constitution qu’il juge «illégale».
Charité. Adoptée par référendum en décembre, la Constitution a toujours été contestée par l’opposition qui la juge trop «islamiste». Durant la campagne, des heurts, parfois violents, avaient opposé de jeunes manifestants à des salafistes, qui soutenaient le texte. Les opposants ont accusé le pouvoir de jouer sur ses relais dans les mosquées et sur les œuvres de charité des Frères musulmans pour convaincre les habitants des quartiers et des villes pauvres de voter oui. En dépit de fraudes évidentes, la Constitution a finalement été adoptée avec un taux de participation très faible (environ 32%).
Cette incapacité de Morsi à mobiliser illustre sa perte de popularité. Le chômage et la pauvreté ont augmenté depuis la révolution de janvier 2011 et la période de transition n’en finit pas alors que le tourisme, principale ressource du pays, est quasiment au point mort.
Acculé, Morsi a tenté de débloquer un prêt de 4,8 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) du Fonds monétaire international (FMI) en annonçant, début décembre, une augmentation des taxes sur 70 produits de consommation courante, dont les cigarettes et les boissons gazeuses. Mais le Président a aussitôt suspendu le décret, craignant qu’il ne lui fasse perdre le référendum.
Marché libre. Pour convaincre le FMI de sa bonne volonté, il a en revanche largement remanié son gouvernement au début du mois et nommé un nouveau ministre des Finances, El-Morsi el-Sayed Hegazy, favorable au marché libre. Il s’est également tourné vers le Qatar, qui a accepté de doubler son aide à l’Egypte en la portant à 3,8 milliards d’euros.
Accusé d’incompétence sur le plan économique par l’opposition libérale, le président Morsi doit aussi faire face à la pression des islamistes radicaux. Leur soutien n’est pas sans faille. Lors du premier tour de la présidentielle, le parti salafiste Al-Nour avait ainsi soutenu Abdel Moneim Aboul Fotouh, un islamiste dissident.
Depuis, les divergences apparues au sein du parti risquent de fragiliser encore un peu plus le chef de l’Etat égyptien. Début janvier, Emad Abdel Ghafour, ancien porte-parole d’Al-Nour, a créé sa propre formation, Al-Watan («la patrie»). Jugé moins conservateur, Ghafour a pourtant annoncé dans la foulée une alliance pour les élections législatives avec l’islamiste Hazem Abou Ismaïl, le plus charismatique des prédicateurs salafistes égyptiens.