Le gouvernement espagnol du conservateur Mariano Rajoy a prévu de faire approuver vendredi par le Sénat l’application de l’article 155 de la Constitution qui permet une suspension de facto de l’autonomie à laquelle la Catalogne tient tant, récupérée après la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975). En réponse, les indépendantistes menacent de proclamer l’indépendance. "Il revient au Parlement (catalan) de déterminer les conséquences de l’application contre la Catalogne de l’article 155", a dit Carles Puigdemont sans autres précisions. Dans l’après-midi, le président catalan était dans l’attente d’un engagement du gouvernement espagnol à ne pas mettre la région sous tutelle au cas où il convoquerait ces élections, ont déclaré des sources proches des négociations. Les contacts indirects s’étaient multipliés ces derniers jours entre Carles Puigdemont, le gouvernement Rajoy et le Palais royal, selon une autre source politique impliquée dans ces négociations, mais ils n’ont pas porté leurs fruits. Quelques minutes après l’allocution de Carles Puigdemont, à quelque 600 kilomètres de là, la vice-présidente du gouvernement espagnol Soraya Saenz de Santamaría commençait à défendre devant le Sénat à Madrid l’application de l’article 155, pour "ouvrir une nouvelle étape" dans laquelle la loi serait "respectée".
"Reconsidérer sa décision"
À Barcelone, les indépendantistes les plus radicaux pressaient jeudi Carles Puigdemont de proclamer immédiatement l’indépendance de la région et la création d’une "République catalane". Ils mettaient en avant les résultats du référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre – émaillé de violences policières–, soutenant qu’ils constituaient "un mandat" pour cette déclaration unilatérale d’indépendance. Ces résultats, invérifiables, donnaient 90 % de "oui" à l’indépendance avec 43 % de participation. En milieu de journée, plusieurs milliers de manifestants s’étaient même massés devant le siège du gouvernement catalan pour exiger une proclamation unilatérale de l’indépendance, certains accusant même déjà Carles Puigdemont d’être "un traître". Et la direction du parti de gauche indépendantiste ERC avait demandé au président catalan de "reconsidérer sa décision de convoquer des élections", menaçant d’abandonner son gouvernement, a assuré un porte-parole de cette formation.
Mesures draconiennes
Les mesures envisagées par Madrid sont draconiennes : destitution de l’exécutif indépendantiste de la région, mise sous tutelle de sa police, de son Parlement et de ses médias publics, pour une période qui pourrait atteindre six mois, avant des élections régionales en 2018. L’approbation des sénateurs, qui doivent voter vendredi, est en principe acquise. Car les conservateurs disposent de la majorité absolue au Sénat et peuvent aussi compter sur le soutien assuré du parti libéral Ciudadanos né en Catalogne contre l’indépendance. Mariano Rajoy espère, quant à lui, que les Catalans, divisés à parts presque égales sur l’indépendance, tourneront le dos aux séparatistes, qui n’ont pas de soutiens internationaux et font face à la fuite d’entreprises – plus de 1 600 depuis le début du mois – par peur de l’instabilité. Chacun redoute, quoi qu’il arrive, des retombées très négatives pour l’économie de la région qui contribue à hauteur de 19 % au PIB espagnol. Les indépendantistes ont prévu de mobiliser leurs partisans à partir de vendredi, par le biais des puissantes associations ANC et Omnium Cultural, dont les dirigeants ont été placés en détention pour "sédition" à la mi-octobre. Ces mouvements sont capables de rassembler à chaque fois des dizaines de milliers – voire des centaines de milliers – de manifestants pacifiques.