La candidate d’extrême droite Marine Le Pen, qui proteste régulièrement contre un traitement médiatique jugé "militant", a intensifié ses attaques contre le quatrième pouvoir ces dernières semaines, sur fond d’affaires.
En meeting à Nantes (ouest) dimanche, la présidente du Front national a accusé les journalistes de faire campagne "de manière hystérique pour leur poulain", le centriste Emmanuel Macron, s’en prenant notamment à l’homme d’affaires Pierre Bergé, l’un des propriétaires du quotidien Le Monde.
A l’autre bout du spectre politique, le tribun de gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, qui avait parlé dès 2010 de "métier pourri", assume son aversion des médias.
Le candidat de La France insoumise, qui a lancé sa chaîne YouTube pour contourner les "médias traditionnels", a notamment accusé dernièrement la radio publique France Inter de "déloyauté" ou l’AFP d’avoir publié "deux fausses dépêches" concernant ses positions sur la Syrie.
En novembre 2016, il s’en était aussi pris nommément à une journaliste du Monde, évoquant "les pauvres rubricards (qui) restent accrochés à leur sujet comme les moules à leur rocher".
Pour l’historien des médias Patrick Eveno, "les attaques contre les journalistes ne sont pas nouvelles: on peut en retrouver dans les années 30" et de la part des anciens présidents De Gaulle, Pompidou ou Mitterrand.
Mais "la situation est beaucoup plus violente", observe-t-il. "Les politiques sont de moins en moins bien considérés, les journalistes aussi, chacun se renvoie la balle face à l’opinion".
Harcèlement des médias
Début février, le candidat de la droite François Fillon a accusé les médias de vouloir le "lyncher" sur des présumés emplois fictifs de sa femme. Et ciblé le média en ligne Mediapart: "Moi je n’ai jamais eu de redressement fiscal". Reporters sans frontières s’était alors inquiété d’un "climat nauséabond".
Pour Dominique Wolton, spécialiste en communication politique, l’étape, "bien symbolisée par Trump", ce sont des politiques qui "essayent de faire une alliance avec l’opinion publique contre les médias" dans une forme de "revanche".
Aux Etats-Unis, Donald Trump a fait des attaques contre les médias "malhonnêtes" sa marque de fabrique, classant certains comme "ennemis du peuple". Son administration a même privé plusieurs titres phares (New York Times, CNN, ou Politico) du briefing de la Maison Blanche.
Récemment, le vice-président du Front national Florian Philippot a aussi repris une formule du président américain pour accuser l’AFP de "fake news" (fausses informations) concernant une infographie sur les programmes des candidats.
"La manière dont Trump défie la justice et insulte les médias, avec le +fake News+ et tout ça, quelque part suscite de l’émulation de Fillon et de Marine Le Pen", note l’universitaire Hervé Le Bras.
La directrice de l’information de l’AFP Michèle Léridon relève que "depuis l’élection de Trump, la critique, voire le harcèlement des médias, est devenue une stratégie pour certains politiques".
"Ils utilisent le terme +fake news+ pour des informations exactes, mais qui n’ont pas l’heur de leur plaire. Nous ne répondons pas au coup par coup pour ne pas participer à cette partie de ping-pong virtuelle et malsaine. Notre meilleure réponse, c’est d’être le plus rigoureux possible", dit-elle.
Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, souligne que "pour donner l’impression d’être antisystème, le plus simple est de taper sur les médias" et que la nouveauté de l’interpellation directe par des politiques "dans des blogs ou sur Twitter" crée autour des journalistes "un climat de tension".
Selon un récent sondage Odoxa, si les Français doutent de l’impartialité des journalistes, 74% pensent que les critiques des politiques sont le plus souvent "un moyen d’éviter des questions qui les gênent".