France: réunis à Lourdes, les évêques accueillent pour la première fois des victimes de pédophilie
Sous la pression de nouveaux scandales, les 118 évêques catholiques de France se réunissent à partir de samedi à Lourdes en accueillant pour la première fois des victimes de pédophilie dans l’Eglise, afin de faire taire les accusations de silence et d’inaction.
"C’est l’occasion d’avoir une parole qui explique, qui apaise", affirme à l’AFP l’une d’entre elles, Véronique Garnier, qui espère cette rencontre "depuis très longtemps".
Elle souhaite que les évêques "reconnaissent leur responsabilité" et entend les "interpeller sur la façon dont ils doivent accueillir les personnes abusées", explique cette femme de 57 ans, abusée par un prêtre ami de sa famille pendant deux années lors de son adolescence.
Olivier Savignac, partie civile au procès mardi à Orléans de l’abbé Castelet pour atteintes sexuelles et de l’ancien évêque André Fort pour non-dénonciation, veut "envoyer un signe fort auprès des évêques". Des peines de prison ferme ont été requis contre les deux prélats.
Présent à Lourdes, il prévient qu’il sera vigilant à ce que ce ne soit "pas seulement de la com’", dit-il, souhaitant que les évêques "prennent conscience de la gravité des faits" au moment où de nouveaux scandales d’abus sexuels ont récemment éclaté aux Etats-Unis et en Allemagne.
Cette semaine, l’Église catholique en Vendée a également annoncé qu’elle enquêtait sur des faits de pédophilie dans deux établissements du département entre 1950-1979.
Concrètement, la rencontre de samedi ne se déroulera pas dans l’hémicycle, comme les victimes le souhaitaient, mais au sein de petits groupes de travail (des "forums") réunissant deux victimes et 25 à 30 évêques chacun.
Parmi les sujets de discussion "l’atteinte spirituelle", "le statut de victime et les réparations dans les cas prescrits ou anciens", "la gouvernance et l’accompagnement autour des évêques", a énuméré M. Savignac. A l’issue de ces forums est prévue une conférence de presse commune samedi en fin de journée, avec 4 évêques et 2 ou 3 victimes.
Mais le format de ce rendez-vous, entre autres, a déplu à la principale association de victimes, La Parole libérée, conviée mais qui a renoncé à participer, ses principaux fondateurs jugeant l’accueil proposé très peu respectueux. "Opération de communication", dénonce son président François Devaux, qui estime que les victimes sont reçues "en catimini".
La CEF y voit elle un pas supplémentaire dans la prise en compte de ce fléau, après la "demande de pardon" exprimée solennellement en novembre 2016, la mise en place de divers dispositifs depuis deux ans (cellule permanente, dispositifs d’écoute dans les diocèses) ou encore la publication de chiffres sur les signalements et mesures de justice visant les prêtres pédophiles.
A Lourdes, les évêques entendent aussi discuter de "la mise en place d’une instance externe, indépendante, comprenant des historiens, qui devra faire le travail de vérité et de mémoire" sur les abus sexuels dans l’Eglise.
Réclamée par un collectif de personnalités, une demande de commission d’enquête parlementaire sur les actes de pédophilie dans l’Eglise s’est heurtée il y a deux semaines au refus du Sénat. A défaut, une simple mission d’information portant sur les "abus sexuels dans tous les lieux d’accueil des mineurs" va être lancée.
En attendant, un mauvais signal a été lancé jeudi: le père Pierre Vignon, ce curé du Vercors qui a soutenu les victimes et avait appelé en août à la démission du cardinal Philippe Barbarin poursuivi pour non-dénonciation, a appris qu’il était écarté de ses fonctions de juge auprès du tribunal ecclésiastique de Lyon. Une décision prise par une douzaine d’évêques de la région.
Ce samedi, plusieurs associations dont Ending Clergy Abuse appellent par ailleurs toutes les victimes de pédophilie dans le monde à se rassembler dans plusieurs villes (New York, Milan, Kampala…) près de leur cathédrale la plus proche.
L’assemblée de Lourdes dure jusqu’au 8 novembre. Y seront traitées aussi les questions de vocations, du synode des jeunes ou encore de l’Europe.