La pointe d’espoir suscitée par la date de la fin possible du déconfinement le 11 mai est tempérée par le bilan toujours extrêmement lourd de l’épidémie de coronavirus, qui continue de faire des ravages dans l’économie avec une récession historique encore plus grave que prévu.
L’éventuelle reprise d’activité dans moins d’un mois apporte son lot d’incertitudes et de polémiques, comme celle liée à l’annonce surprise par Emmanuel Macron que les crèches et établissements scolaires (à l’exception de l’enseignement supérieur) allaient rouvrir à partir du 11 mai.
Le milieu médical se veut prudent quant à l’évolution du Covid-19 qui a fait 15.729 morts (762 décès supplémentaires par rapport au décompte de lundi soir), soit le plus important bilan quotidien depuis le début de l’épidémie.
Le 11 mai, « un pari » ?
« On a du mal à déterminer à quelques semaines d’avance » la dynamique de l’épidémie, a affirmé mercredi Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Qualifiant l’annonce de déconfinement à partir du 11 mai de « forme de pari », il a estimé sur France Inter qu’il s’agissait « plutôt d’une synthèse entre les pressions économique et sociale que pose le confinement et la dynamique de l’épidémie ».
« On n’a pas encore une vision très claire de comment l’épidémie va se comporter dans les semaines qui viennent, c’est vrai qu’avec les beaux jours il va peut-être y avoir une amélioration, c’est vrai que le confinement a donné un peu de résultats, mais quand on regarde ce qui se passe en Italie qui sont en confinement depuis dix jours de plus que nous, il reste encore une transmission très élevée et c’est ça mon inquiétude », a ajouté M. Piarroux.
Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’université de Genève, directeur de l’Institut de santé globale, s’est montré plus optimiste sur la même antenne: « C’est réaliste de penser que la décrue sera largement amorcée le 11 mai, peut-être qu’on aura même de bonnes nouvelles avant. C’est important d’avoir un horizon de temps ».
Mardi soir, 6.730 patients dans un état grave se trouvaient en réanimation, soit un solde de -91 par rapport à lundi. Cet indicateur, qui dénote la pression sur le système hospitalier qui ne comptait avant la crise que 5.000 lits de réanimation, est très suivi par les spécialistes.
Le numéro deux du ministère de la Santé, Jérôme Salomon, s’est félicité d' »un ralentissement de nombre d’admissions » et « d’une légère diminution de nombre de patients en réanimation ».
Pour Renaud Piarroux, toutefois, « il y a encore beaucoup de virus en circulation », ce qui alimente l’inquiétude sur la réouverture des écoles.
Sa crainte fait écho à celle du président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon, qui s’est dit « tracassé » par une annonce qui ferait courir « un risque inutile ».
Le Premier ministre, Edouard Philippe, s’est justifié devant les députés: « Il y a un impératif (de retour à l’école) qui est réel, il ne peut pas se faire au prix de la santé, bien entendu. Il doit être conjugué avec la nécessité de préserver la santé de nos concitoyens, de garantir le respect de règles sanitaires ».
Les critiques sont d’autant plus virulentes que bars, restaurants et salles de cinéma resteront fermés. En outre, l’économie ne doit plus compter sur les festivals d’été.
« Grande détresse »
La récession que devrait connaître la France sera encore plus grave que ce qui était anticipé, avec 8 % de chute du PIB en 2020, selon le gouvernement, très attendu sur son « plan complet de sortie » du confinement instauré le 17 mars.
Le chômage partiel concerne désormais 8,7 millions de salariés français, a indiqué mercredi la ministre du Travail Muriel Pénicaud, c’est-à-dire « plus d’un salarié sur trois » et un coût à ce stade de 24 milliards d’euros.
Les ventes du commerce de détail en France ont reculé de 24 % en mars par rapport à février, selon la Banque de France.
Parmi les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement, une prime jusqu’à 1.000 euros pour certains fonctionnaires qui poursuivent leur mission de service public malgré le confinement, selon le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.
Il a également indiqué que le gouvernement travaillait à annuler 750 millions d’euros de cotisations fiscales et sociales actuellement reportées pour les entreprises des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des arts et spectacles.
Les PME en difficulté à cause de la crise sanitaire et qui n’obtiennent pas de prêt bancaire pourront faire appel à l’Etat pour obtenir une « avance remboursable », a annoncé le ministre de l’Economie Bruno le Maire, qui avait indiqué que l’effort public d’aide à l’économie atteindrait « plus de 100 milliards d’euros ».
La France devrait connaître un déficit public aux alentours de 9 % du PIB cette année et une dette de 115 %.
Le commerce alimentaire de gros, qui assure plus de 70 % de l’approvisionnement de la restauration hors domicile, s’est dit mardi « en très grande détresse ». Cette branche représente « un chiffre d’affaires de près de 16 milliards d’euros », mais a vu depuis le 15 mars « 80 à 90 % » de son activité s’envoler.