Maroc: un collectif incite les victimes d’agressions sexuelles à témoigner
Un collectif marocain a lancé un appel à témoignages inédit dans le royaume de femmes victimes d’agressions sexuelles, recueillant en quelques jours une vingtaine de témoignages, brisant le silence.
« Parce que la parole des survivantes doit être libérée, parce que la peur doit changer de camp, parce que la preuve des viols et des agressions est souvent difficile, nous mettons notre plateforme à disposition de vos témoignages, tout en conservant votre anonymat », a écrit #masakatch (« je ne me tairai pas ») le 9 février sur sa page Facebook.
Une vingtaine de témoignages anonymes sur des cas de viol ou d’agressions sexuelles ont depuis été partagés. Seules les initiales des agresseurs sont publiées.
Le but est de « dénoncer ces prédateurs qui agissent impunément », confortés par le silence des victimes, explique ce collectif né en 2018 pour dénoncer la « culture du viol et de l’impunité » au Maroc, dans le sillage du mouvement #MeToo.
Il espère que les témoignages « permettront de faciliter le travail judiciaire de lutte contre les violences faites aux femmes ».
Cette initiative rare dans le royaume intervient peu après le dépôt d’une plainte d’une journaliste étrangère installée à Casablanca, ayant requis l’anonymat, contre son violeur présumé, un jeune consultant digital. L’accusé, qui nie les faits, a été inculpé. Son procès s’ouvre le 3 mars.
Très peu de Marocaines portent plainte pour viol, dans une société conservatrice qui pousse ce type de victimes à se taire, par peur pour leur image et la réputation de leur famille.
Médias et ONG tirent fréquemment la sonnette d’alarme sur le fléau des violences contre les femmes au Maroc. Plus de la moitié d’entre elles ont en effet subi une forme de violence, selon une enquête officielle publiée en 2019, indiquant que plus de 90% des victimes n’ont pas porté pas plainte.
Une loi contre les violences faites aux femmes est entrée en vigueur en septembre 2018. Si elle rend pour la première fois passible de peines de prison des actes « considérés comme des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement », le texte est jugé insuffisant par les associations féministes.