Camarades, amis, relations, tous se montrent incrédules face à cette décision aussi soudaine qu’extrême d’un garçon "tranquille, engagé et entouré".
"On savait que notre camarade était dans une grande précarité, qu’il n’était pas très bien, mais pas au point d’être capable de commettre cet acte", confie à l’AFP Louise Bihan, 21 ans, amie d’Anas et comme lui militante au syndicat Solidaires de l’université Lyon 2.
Selon la présidente de l’université Nathalie Dompnier les équipes pédagogiques "n’ont pas vu venir" le drame non plus. Anas était d’après elle décrit "comme un étudiant calme, posé, ouvert à la discussion et constructif dans les échanges".
Pour Olivier, père d’un ami d’Anas qui le voyait régulièrement, il n’était pas du genre à se plaindre. "Quand je l’ai vu pour la dernière fois, il y a quelques semaines, il ne laissait rien paraître".
Inscrit en licence de sciences politiques à Lyon 2 et très impliqué au sein de son syndicat, l’étudiant de 22 ans a annoncé l’imminence de son geste sur les réseaux sociaux le 8 novembre avant de s’asperger de carburant et d’incendier ses vêtements devant le siège du Crous à Lyon.
"Le jour des faits, on a eu l’information de son message Facebook mais on ne le trouvait pas. On n’arrivait pas à le contacter", raconte Louise.
Dans son message, Anas explique que le triplement de sa 2e année de licence l’a plongé dans la précarité, puis égrène des revendications politiques.
"Cette année, faisant une troisième L2, je n’avais pas de bourse mais même quand j’en avais, 450 euros par mois, est-ce suffisant pour vivre ?", expliquait-il, accusant "Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de (l)’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de tous-tes".
Brûlé à 90 %, l’étudiant est soigné au service des grands brûlés de l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon et ses jours sont toujours en danger.
Aide d’urgence refusée
Privé de bourse, Anas était parfois contraint de retourner à Saint-Étienne chez ses parents, dont il est resté proche. Mais il dormait le plus souvent chez sa petite amie, également étudiante à Lyon 2.
"Elle tente aussi de garder un mode de vie décent, mais elle rencontre des conditions de précarité dans un logement très basique", explique Louise, avant d’évoquer un récent événement potentiellement déclencheur.
"Anas avait demandé une aide d’urgence auprès d’une assistante sociale mais elle a été refusée. Depuis, on essayait de le soutenir, d’être à ses côtés pour qu’il ne renonce pas malgré la galère".
Olivier, qui le croisait souvent à Saint-Étienne, raconte lui avoir recommandé en septembre "de trouver un petit boulot". "Mais je crois que cela ne correspond pas à son engagement politique de travailler dans une entreprise de malbouffe"…
Secrétaire fédéral et représentant de Solidaires au sein de la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU), Anas a pour son âge un CV de militant consistant.
Dès ses années de lycée à Saint-Honoré d’Urfé, dans le quartier de Bellevue à Saint-Étienne, il a milité au sein de plusieurs groupes anarchistes et d’extrême gauche.
Un parcours poursuivi à Lyon, où il a notamment déployé beaucoup d’énergie dans l’occupation d’un amphi de l’université par des sans papiers entre 2017 et 2019. Selon certains, cette activité pourrait expliquer ses échecs académiques.
"Il est très très impliqué dans le syndicalisme étudiant, il y passe beaucoup de temps", confirme à l’AFP Alain Leydier, voisin de ses parents, qui adorait parler politique avec Anas.
Lui non plus n’a "pas du tout senti venir le drame". "Ses conversations étaient normales, ses études lui plaisaient beaucoup. Il était très cultivé, très intelligent, féru d’histoire et de littérature", assure ce responsable administratif et financier de 52 ans.
Lors de la mobilisation de mardi à Saint-Étienne, son cousin Mehdi a expliqué les larmes aux yeux qu’Anas "voulait se faire entendre pour des causes justes. Il était maxi intelligent (…) c’était la fierté de la famille".
A la fin de son message, Anas a demandé à ses "camarades" de "continuer à lutter". Avant de conclure par ces mots: "Désolé pour l’épreuve que c’est".