Après avoir magnifié à outrance la relation conflictuelle entre Nicolas Sarkozy et François Fillon, montré à coups de «Unes» brûlantes leur impossible vie commune, détaillée à coups d’arguments massue la fin d’un cycle qui doit nécessairement séparer les deux hommes, voilà que l’affirmation est moins certaine, que le départ de François Fillon devient moins acquis. Plusieurs raisons expliquent ce changement de tonalité.
La première est que l’homme que le microcosme parisien avait érigé comme incontournable successeur de François Fillon à Matignon, le ministre de l’Energie et de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, semble avoir été victime collatérale de la crise sociale sur les retraites. Sa manière de gérer les pénuries dues aux blocages des raffineries par les syndicats a donné un avant-goût de ce que pourrait être le style de l’homme une fois intronisé Premier ministre. Ses détracteurs lui reprochent, ultime insulte, un manque de courage et de savoir-faire alors qu’il était personnellement en charge du secteur de l’Energie. La seconde raison est que les signes encore discrets d’opposition qu’avait montrés l’establishment UMP, qu’il s’agisse du groupe parlementaire ou des ténors du parti contre Jean-Louis Borloo, sont en train de devenir des mouvements d’obstruction ouverts et assumer contre sa nomination. Tous adressent des messages convergents sur l’erreur politique à choisir un profil comme celui de Jean-Louis Borloo.
Cette mauvaise humeur inédite de la majorité s’accompagne par un plébiscite de François Fillon dont les nombreuses qualités de modération, de sang-froid, de savoir gouverner sont louées comme autant de raisons de le maintenir dans sa fonction. Le commentaire dominant au sein de la majorité est qu’il les a jugés complémentaires : Face à l’excitation et à l’éparpillement de l’un se trouvent la retenue et la concentration de l’autre. Nicolas Sarkozy se trouve actuellement dans la position d’un président qui ne peut imposer ses choix et ses préférences sans courir le risque d’aller à contresens de ce que voudrait sa majorité.
Et la question à laquelle il doit apporter une réponse : Quel est le profil du Premier ministre qui, non seulement devrait l’aider à préparer la reconquête de l’Elysée, mais à garantir l’adhésion de sa propre famille politique et à ne pas créer des maquis d’oppositions domestiques ?
Mais la grande raison qui milite tout de même pour le départ de François Fillon est que si le président est dans l’obligation politique de le garder, quitte à chambouler l’ensemble du gouvernement, cela aura un seul sens : c’est que les deux hommes vont fatalement inaugurer une période de cohabitation active. Le François Fillon, avaleur de couleuvres, potiche gouvernementale des premières années du quinquennat, figurant inactif des institutions, risque de reprendre l’envie d’exercer ses prérogatives de Premier ministre, de marquer sa différence. Si Nicolas Sarkozy accepte ce scénario, c’est qu’il aura abandonné l’habit de l’hyper président qui a toujours été son label et qui lui a porté plus de déboires que de réussites.