Ahlam, qui travaillait comme cuisinière dans le restaurant Al-Elmtiaze, un établissement prisé de Tripoli Street à Misrata, a été prise en otage sur son lieu de travail, en compagnie de l’un de ses collègues, Aziz Yahya, ainsi que la famille de celui-ci.
Ce père de famille marocain, qui a survécu à ce drame avec sa femme et son fils, fait un témoignage bouleversant sur les horreurs, maltraitances ou viols qu’ils avaient subis durant leur captivité qui aura duré plus d’un mois, jusqu’à l’arrivée des rebelles.
Selon lui, le 18 mars, une vingtaine de soldats de Kadhafi ont pris d’assaut le restaurant après l’avoir mitraillé pendant de longues minutes. "Ils ont occupé les deux étages du dessus pendant trente-cinq jours, nous traitant comme des animaux, moi, ma femme Haouria, et mon garçon Amine qui a 12 ans", raconte-il à l’envoyé spécial de Libération, Jean-Louis Le Touzet.
Le deuxième jour, Ahlam, la trentaine, "a été giflée et poussée violemment par trois mercenaires qui faisaient partie du groupe des vingt, dans une pièce qui servait de salon pour prendre le thé", a dit Aziz qui a identifié parmi les soldats, trois subsahariens: "un Nigérien, un Malien et un Tchadien". Ce dernier, leur chef, était le plus cruel du groupe et s’appelait "Koula", se souvient-il.
"La cuisinière, juste avant de se faire brutaliser, a demandé au nom d’+Allah le miséricordieux+ de ne pas la maltraiter étant donné son état: elle pouvait accoucher d’un moment à l’autre. De longues minutes plus tard, les trois mercenaires sont ressortis de la pièce. La femme se tenait le ventre à deux mains, en pleurs, et c’est alors que le Tchadien s’est dirigé vers elle et lui a +shooté+ dans l’entre-jambe +comme si c’était un ballon+", ajoute-il.
"Ahlam est tombée sur le dos, décrit Aziz, puis le Tchadien l’a, à nouveau, frappée au ventre. Elle s’est mise à vomir du sang puis n’a plus bougé. Tout cela s’est passé devant mon petit (12 ans) et ma femme. On ne pouvait rien faire. Si on bougeait, ils nous tuaient", témoigne-t-il.
"Le Tchadien dit alors en arabe aux deux gars : +Trouvez une pelle sur un char et enterrez-la+. Les deux mercenaires traînent la femme par les pieds dans l’escalier en béton", a ajouté Aziz qui se souvient du bruit de la tête contre les marches. "Ils la balancent ensuite dans un pick-up, comme un sac".
Après le décès d’Ahlam, la famille Yahya a vécu le calvaire pendant plus d’un mois, jusqu’au jeudi 21 avril, jour où les rebelles ont pris le contrô le de la ville. En les voyant entrer dans l’immeuble, Aziz crie : "Je suis Marocain, cuisinier et j’ai une femme et un enfant avec moi".
Les rebelles, dans l’escalier, leur font signe de descendre et les couvrent en arrosant la rue : "On a dû courir 200 mètres pour se mettre à l’abri. J’ai cru qu’on allait mourir", poursuit-il, précisant que les soldats de Kadhafi étaient alors déjà partis.
Selon le journaliste de +Libération+, Aziz et sa famille se trouvaient lundi à la clinique Al-Hekma, et cherchaient instamment à évacuer Misrata, voire la Libye.