"Je ne prétends pas régenter le monde" mais "mon objectif principal est de faire le plus de bruit possible" contre les dérives climatiques, explique l’homme au sourire discret, cheveux grisonnants tirés sur le côté, à des journalistes.
Pour cela, il va en mai dans le Pacifique voir des îles menacées d’être englouties par la montée des eaux ou plus récemment aux Bahamas se retrouver au milieu de ruines provoquées par un ouragan, une dévastation qu’il affirme n’avoir jamais vu jusqu’alors.
A ses yeux, la mobilisation des dirigeants de la planète, du monde de l’économie et de la société civile est devenue primordiale. Il parle souvent de ses petits-enfants et de sa volonté de ne pas leur laisser un monde détruit par la faute des humains.
Ces prochains jours, il naviguera au milieu de 91 chefs d’Etat, six vice-présidents, 45 chefs de gouvernement et une quarantaine de ministres, pour l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, "la semaine de la mode diplomatique" ou "la speed dating diplomatie", comme elle est appelée au siège de l’Organisation à New York.
L’engouement de cet ancien Premier ministre portugais (1995-2002) pour la lutte contre le climat a été un tournant dans son mandat entamé début 2017, analyse Richard Gowan, expert au centre de réflexion International crisis group.
"Le fait qu’il pousse aussi fort sur le climat traduit une évolution dans la conception de son rôle", explique ce spécialiste des Nations unies. A son arrivée, il considérait que son prédécesseur, le Sud-Coréen Ban Ki-moon, avait fait ce qu’il fallait sur le climat, auréolé de son succès avec l’accord de Paris de 2015.
"Au lieu de cela, il a voulu se concentrer sur la gestion de crises. Il a cherché un succès mais un premier échec est venu avec le dossier chypriote, et cette année avec la Libye", ajoute Richard Gowan.
– Humiliation en Libye –
Dans ce dernier pays, l’humiliation a été sévère. Antonio Guterres s’y est rendu au printemps pour pousser à une solution politique mais à peine reparti, un de ses interlocuteurs a déclenché un conflit meurtrier pour conquérir la capitale Tripoli.
De fait, les avancées politiques obtenues par le secrétaire général dans des conflits dans le monde sont maigres et les ONG défendant les droits humains trouvent qu’il pourrait en faire beaucoup plus. Un accord a certes été trouvé sur le nom de la Macédoine grâce à l’entremise de l’ONU mais rien ou peu n’est venu interrompre les conflits destructeurs en Syrie, au Yémen ou empêcher une épuration ethnique en Birmanie.
Ces dossiers, au premier rang desquels figure la menace d’une déflagration au Moyen-Orient entre les Etats-Unis et l’Iran, domineront les entretiens des dirigeants de la planète. A l’opposé du sujet climat, Antonio Guterres est un adepte de la diplomatie des coulisses pour faire baisser la tension dans le monde et tenter de trouver des compromis.
Au quotidien, Antonio Guterres, dont la montre est bizarrement toujours en avance de trois quarts d’heure – un élément perturbant pour ses interlocuteurs -, jongle avec les décalages horaires et avoue ne pas vraiment dormir dans les avions.
"Je ne suis pas sûr que ce soit le pire travail au monde", relève-t-il avec humour. "Le boulot de quelqu’un qui travaille 50 heures par semaine dans un des pays les moins développés pour un salaire de 2 ou 3 dollars par jour est pire que le mien", ajoute ce catholique pratiquant, qui affirme vouloir "faire tout ce qu’il peut pour les milliards de gens qui vivent dans des conditions difficiles".
Son sens du contact lui vaut les louanges de la majorité des ambassadeurs travaillant à l’ONU. En dépit des entraves posées par un président américain privilégiant l’unilatéralisme, il a jusqu’à présent limité les coupes budgétaires voulues par Washington et commencé à rationaliser une Organisation dont il pourrait vouloir garder la tête lors d’un second mandat.