Musulmans : condamnez ou on vous condamne
Comme nous l’avions déjà noté, Monsieur le député UMP Bernard Carayon de Lagaye[1] s’est autorisé un appel à manifestation destiné aux « musulmans modérés », afin qu’ils expriment une solidarité active à l’égard des Coptes, frappés en ce début d’année d’un épouvantable attentat dans une église d’Alexandrie.
Au passage, Monsieur Carayon de Lagaye note avec une vraie pertinence que les chrétiens étaient sur ces terres bien avant l’arrivée de l’islam. Qui le niera ? Et qui niera au surplus qu’ils y sont encore, deux mille ans après, dans des contrées annexées par l’islam au septième siècle, quand les musulmans de la péninsule ibérique furent expulsés par de très catholiques souverains et quand ceux de la péninsule balkanique faillirent, à la fin du XXe siècle se voir éradiqués par ce que l’on n’a pas craint de nommer une « épuration ethnique » conduite par des idéologues-activistes religieux-chauvins, trait pour trait symétriques des idéologues-activistes religieux-chauvins de l’islam radical.
Mais trêve de ces bilans sinistres, la comptabilisation morbide de cadavres, qui fait l’alpha et l’oméga de la pensée chez nombre de nos intellectuels de talk shows n’est pas un exercice sain. Ceux qui eurent des empires puissants, des civilisations prépondérantes, n’ont pas régné impunément et nous avons beaucoup à nous pardonner les uns aux autres. Restons en là, nos remarques étant juste suggérées rapidement par les considérations de Monsieur Bernard Carayon de Lagaye sur la présence préalable des uns ou des autres, dont nous savons à quels pièges ou délires elles conduisent.
Les idéologues-activistes religieux-chauvins de l’islam, hélas, après des siècles de cohabitation le plus souvent pacifique, ont pu faire aux chrétiens du mal, dans des contextes de guerre, sous des régimes autoritaires, dans des cadres sociaux misérables et aliénés. Qui le niera ? Qui ne regrettera les exils de chrétiens du proche orient, qui s’investirent dans la renaissance arabe, dans des projets politiques sociaux et laïques, avec leurs frères musulmans.
Ces exils sont la conséquence des manœuvres des grandes puissances coloniales, chacun le sait au point que la nausée vient à le répéter. Ils sont la conséquence de conflits religieux-chauvins nés de rapiéçages ourlés par une Europe qui passe en un demi-siècle de l’arrogance à la triste conscience et fait autant de dégâts dans la seconde posture que dans la première. Au demeurant la sollicitude de cet occident chrétien à l’égard des Eglises orientales, qui ne furent que rarement menacées dans leur globalité par des autorités musulmanes assises et régulières, a préludé à tant de croisades, d’ingérences et de colonisations, qu’une automatique prévention se fait jour à la voir hypocritement pointer le nez, avec le gonfanon de saint Pierre dans un lointain pas si lointain.
Alors, les musulmans, dits modérés, selon un terme assez curieux, puisque nous ne sachions pas que l’on qualifie de la sorte aucun chrétien ni juif, n’ont pas envie de servir d’idiots utiles à Monsieur le député pourvoyeur de certificats de bonne conduite. Ils n’ont pas attendu ses mises en demeure pour manifester, depuis toujours, la plus claire et unanime fraternité à leur prochain chrétien. Ils n’ont enfin aucun besoin de coryphée pour donner le ton et la mesure de cette fraternité
Bref les fils de la mémoire arabe, dans le monde de l’islam, juifs, chrétiens ou musulmans, savent bien à quoi s’en tenir. Ils n’ont pas besoin de Monsieur Carayon de Lagaye pour se montrer de la solidarité, de la tendresse, du respect et de la compréhension. Ils ont mangé la même cuisine, joué la même musique, humé les mêmes fragrances de crépuscule et de matins autour d’une Méditerranée multiforme, dans une civilité voluptueuse et enjouée à laquelle n’atteindront jamais les courbettes les plus amènes et les plus enjôleuses de notre parlementaire donneur de leçons, virtuose de l’oukase, champion de l’ultimatum et maître de la mise en demeure[2].
Notes :
[1] La Revue Parlementaire, N°881(juillet 2005), Bernard Carayon, Député stratège
Par ailleurs, voici un portrait qu’avait réalisé L’humanité sur M. Bernard Carayon en 1998, Bernard Carayon : du GUD aux alliances avec le FN.
[2] Mercredi 1 septembre 2010, Lettre ouverte A Mgr le Gall, Archevêque de Toulouse – par Bernard Carayon, député du Tarn