Se proclamant la porte-parole d’une "République qui doit unifier et pacifier, surtout dans la période troublée que la France traverse depuis plusieurs mois et au cours de laquelle des propos que l’on croyait définitivement tus reprennent de la vigueur", la magistrate a jugé les propos de Zemmour d’autant plus répréhensibles qu’un certain crédit "peut-être accordé aux paroles" de cet "homme de médias" et "polémiste reconnu", "trublion" à l’occasion.
Invité le 6 mars 2010 de l’émission "Salut les terriens" présentée par Thierry Ardisson sur Canal plus, Eric Zemmour avait justifié les contrôles de police au faciès en lançant indigné : "Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait".
Dans la même veine et d’ailleurs le même jour, sur la chaîne France Ô, faisant fi de l’obligation de non-discrimination à l’embauche, il avait par ailleurs soutenu que les employeurs "ont le droit" de refuser des candidats parce que noir de peau ou d’origine maghrébine.
Pour ces deux sorties polémiques, SOS Racisme, la Licra, le Mrap, l’Union des étudiants juifs de France et l’association J’accuse avaient déposé plainte contre lui. Tour à tour, leur représentant se son succéder à la barre pour dénoncer "l’immense gravité" de ces assertions.
"Nous ne sommes pas face à un dérapage, à un accident" a notamment affirmé Me Patrick Klugman, l’avocat de SOS Racisme, ajoutant : "nous sommes témoins, comme toute la France, d’une gradation dans la violence".
Expliquant comme la procureure que "quand on s’exprime sur un réseau hertzien, on a une responsabilité accrue", il a fustigé la façon dont Zemmour a défini "une population criminogène en fonction de son apparence et de son origine", faisant par là même "passer un mensonge pour un fait établi".
Lors du procès, la procureure Anne de Fontenette a d’une part déploré qu’Eric Zemmour ait repris le "vieux stéréotype qui assimile l’immigration à la délinquance" et a d’autre part rappelé que "la discrimination n’est pas un droit, mais un délit".
Au polémiste qui sur le mode cynique a soutenu pour sa défense que "la discrimination, c’est la vie et que la vie c’est injuste", Mme de Fontenette a rétorqué que cela lui faisait penser "aux adolescents qui écrivent sur un arbre : la vie ça ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie". "Ca va quand on est ado, mais quand on est adulte, c’est un peu court comme raisonnement…", a estimé la magistrate.
Me Olivier Pardo, l’avocat de Zemmour a de son côté affirmé que dans l’absolu un journaliste "a le droit de dire des choses brutales qui peuvent heurter". Concernant la déclaration reprochée à son client, il a assuré que la phrase n’était en rien raciste, "sauf pour ceux qui veulent voir en Eric Zemmour un raciste, parce qu’Eric Zemmour, ils ne l’aiment pas" (lire "Zemmour a affûté sa défense").
La décision a été mise en délibéré : le tribunal devrait prononcer son jugement le 18 février. Quel que soit le verdict, Laurent Ruquier qui emploie Zemmour dans son émission hebdomadaire "On n’est pas couché" a assuré ce matin dans le Parisien qu’il lui maintiendrait sa confiance. Et l’animateur de lancer : "Il y a des ministres condamnés et qui sont toujours ministres. Pourquoi est-ce que ça changerait quelque chose pour un chroniqueur ?"