La nature civile de l’Etat ne fait pas non plus débat. Le parti islamiste Ennahda, qui détient 41% des 217 sièges, ne voit «rien de sacré dans l’Etat, explique Sahbi Atig, le président du groupe. C’est un contrat social entre le peuple et le gouvernement. Il n’y a pas d’hommes sacrés, contrairement à l’islam chiite.» Mais «l’idée de séparation du politique et du religieux est étrangère à l’islam, a-t-il défendu dans l’hémicycle, la semaine dernière. La religion ne relève pas du domaine privé, mais d’un ordre public et d’un mode de vie». Ennahda plaide aussi pour que l’islam soit une référence en matière de loi, un point jamais évoqué dans l’ancien texte. De quelle façon ? En interne, la question n’est pas tranchée. Un projet de Constitution attribué à Ennahda, qui a fuité dernièrement, mentionnait dans son article 10 que «la charia est une source essentielle pour l’élaboration des lois». Une thèse défendue par la frange radicale, minoritaire. «Pas nécessaire», estimait dans une interview au Temps Rached Ghannouchi, le leader de Ennahda. Et de poursuivre : «On peut toutefois ajouter un article qui interdit la promulgation de lois qui constituent une offense pour l’islam.»
«Nous aimerions prendre une distance avec la charia, car le mot fait peur. Mais le contenu n’est pas éloigné», explique Sahbi Atig. Le parti continue de chercher la formule. Il ne devrait pas trouver beaucoup d’alliés sur cette question. Seuls les élus des listes de la Pétition populaire (26 sièges, désormais éclatés en deux groupes à tendance populiste) se sont prononcés pour la charia. Quant aux deux partis de gauche membres de la coalition gouvernementale, le Congrès pour la République et Ettakatol, ils refusent toute référence juridique. «Nous comptons sur l’évolution des choix d’Ennahda, indique Mouldi Riahi, président du groupe Ettakatol. On peut se référer, dans le préambule, aux valeurs de l’islam, en les précisant : justice, liberté, dignité, égalité. Avec cela, on a tout dit.» La Constitution doit être adoptée, dans son ensemble, à la majorité des deux tiers, sans quoi elle sera soumise à un référendum.