Ce phénomène a déjà été dénoncé à de nombreuses reprises par des organisations internationales comme Amnesty, ou au plan national par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), supprimée l’an dernier.
Dans son rapport publié jeudi, Human Rights Watch (HRW) appelle le gouvernement français à changer la loi et les pratiques.
"Le code de procédure pénale français accorde trop de pouvoirs aux forces de l’ordre dans l’exécution des contrôles d’identité, ouvrant largement la porte à l’arbitraire et aux abus. Les mécanismes de responsabilisation, tant au sein des forces de l’ordre qu’au sein des organes de contrôle externes, ne semblent pas adaptés", lit-on dans le rapport.
"Human Rights Watch appelle le gouvernement français à reconnaÂŒtre les problèmes posés (…) et à adopter les réformes juridiques et politiques nécessaires pour prévenir le profilage ethnique et les mauvais traitements lors des contrôles."
L’ONG dit avoir enquêté entre mai et septembre 2011 à Paris, Lyon, Lille et leurs environs, interrogeant 67 personnes, presque toutes d’origine maghrébine, d’Afrique noire ou antillaise, ainsi que des fonctionnaires des préfectures de police et des syndicalistes.
Son constat rejoint celui d’une étude réalisée notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) entre octobre 2007 et mai 2008 et qui avait établi que les Noirs avaient six fois plus de chances d’être contrôlés que les Blancs et les Arabes huit fois plus.
NOIRS ET ARABES CIBLES DES CONTROLES ?
Citant les personnes qu’elle a interrogées, HRW dénonce la pratique des contrôles répétés voire "innombrables" qui peuvent selon elle consister en des interrogatoires prolongés, des fouilles et des palpations intrusives, y compris sur des mineurs.
"Les jeunes Noirs et Arabes vivant dans des quartiers économiquement défavorisés sont tout particulièrement et fréquemment la cible de ce type de contrôle, semblant indiquer que la police se livre à un profilage ethnique", estime Human Rights Watch.
"En d’autres termes, la police suppose que certaines personnes sont plus susceptibles d’être des délinquants en se basant sur leur apparence, entre autres la race et l’ethnicité, plutôt que sur leur comportement", ajoute-t-elle.
HRW estime que ce problème des relations entre la police et les citoyens a joué un rôle dans le déclenchement des violences urbaines de 2005, mais aussi dans de nombreux épisodes similaires.
L’ONG suggère d’amender le code de procédure pénale de manière à soumettre les contrôles d’identité à l’existence préalable de "soupçons raisonnables et individualisés", et à interdire explicitement toute discrimination dans ces opérations.
Elle demande au ministère de l’Intérieur d’édicter de nouvelles instructions pour encadrer les contrôles avec une obligation d’informer les individus contrôlés de la base juridique de la démarche et de leurs droits. Il est proposé aussi d’établir systématiquement un procès-verbal du contrôle.
Le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité réagir avant la publication du rapport. Le syndicat national des officiers de police (SNOP) critique une "vision partisane", la sémantique utilisée et la méthodologie, selon lui biaisée du fait de la taille réduite de l’échantillon de personnes interrogées.
Il conteste aussi la nécessité de réformer le cadre légal. "Nous sommes cependant favorables à tout ce qui peut instaurer un meilleur lien entre la police et la population", a dit son porte-parole Christophe Rouget, rappelant les idées de police de proximité et de diversification du recrutement.