Idole des socios du Real, l’ex-numéro 5 des Galactiques (2001-2006) – 231 matchs au compteur – a notamment joué un rôle crucial dans l’opération séduction menée avec succès auprès des supporteurs lors de l’arrivée d’Ancelotti. Après le règne tumultueux et infécond (2010-2013) du Portugais José Mourinho, la nomination du technicien italien et de son illustre adjoint a représenté un signal d’apaisement à destination de la communauté "madridiste". "Avec son histoire personnelle, sa tranquillité, son intelligence, Zidane aurait pu choisir n’importe quel poste, sur le banc ou dans les bureaux", a confié en juin le Brésilien Roberto Carlos, ex-défenseur du Real (1996-2007). Du Marseillais, qui avait permis à sa formation, d’une reprise de volée fabuleuse, de remporter en 2002 son neuvième et ultime titre en Ligue des champions, les supporteurs conservent l’image d’un sportif resté loyal envers l’institution Merengue. Car, depuis son recrutement en 2001 contre 75 millions d’euros, Zinédine Zidane n’a jamais quitté la capitale espagnole. Il y possède une vaste villa à colonnades, située à proximité du complexe de Valdebebas, le centre d’entraînement du Real.
"Il a la fibre galactique, avance le technicien Jean Fernandez, qui lança en 1989 Zidane dans le grand bain du professionnalisme avec l’AS Cannes. Le Real, c’est son club. Il est respecté par les joueurs." "Pour un entraîneur étranger, évoluer en Liga peut être ardu, note Philippe Montanier, ex-entraîneur de la formation basque de la Real Sociedad (2011-2013) et actuel coach du Stade Rennais. Mais Zizou est un Madrilène de coeur. Il fait partie de la famille et est considéré comme espagnol ou pas loin. Il commence adjoint avec moins de responsabilités, mais il a plus à perdre qu’à gagner. Il aurait pu rester tranquille au bord de la piscine, continuer à faire du caritatif et commenter ponctuellement des matchs à la télé. Mais le terrain, c’est là où il est le mieux."
"IL EST PLUS QU’UNE ICÔNE"
Ce retour de Zidane à l’essence du jeu était tout sauf un cheminement évident. En juin 2009, le Français devient le conseiller du président du Real, l’homme d’affaires Florentino Pérez, de retour à la tête des Galactiques après un premier règne (2000-2006) controversé. Deux saisons plus tard, Zidane prend du galon et est nommé directeur sportif de la "Maison Blanche". L’ex-meneur de jeu des Bleus chapeaute alors l’équipe première, entraînée par le bouillonnant Mourinho. A l’été 2012, Zidane se rapproche du centre de formation du Real, la Cantera, où s’est forgé son fils aîné Enzo, 18 ans, désormais surclassé en équipe C des Merengue et évoluant en 3e division espagnole. Depuis deux saisons, le jeune homme s’entraîne d’ailleurs périodiquement avec le groupe professionnel. Durant plusieurs mois, Zidane fournit notes et réflexions à la cellule de recrutement de l’académie madrilène. En octobre dernier, le quadragénaire annonce dans L’Equipe qu’il entame un cursus pour devenir entraîneur. Auprès de la direction technique nationale de la Fédération française de football (FFF), il passe actuellement le brevet d’Etat d’éducateur 2e degré.
Depuis octobre 2011, Zidane multiplie également les séminaires pour obtenir le diplôme de manageur au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges (CDES). Cofondateur et directeur de l’établissement, Jean-Pierre Karaquillo n’est guère surpris par la nouvelle orientation qu’a prise la carrière de son étudiant. "Son arrivée sur le banc était dans les tuyaux, assure-t-il. Zidane est un garçon prodigieusement intelligent. Il avance à petits pas et ne part pas à l’aventure. Chez nous, il a acquis des outils en marketing, gestion et management. En septembre, il doit encore présenter un projet devant un jury après avoir préparé quatre dossiers. Florentino Perez a compris qu’il devait l’utiliser davantage que comme une icône. Il est plus que ça."
"APPRENDRE À ENCAISSER LES COUPS"
Proche de l’ailier portugais Cristiano Ronaldo, le Français a également été missionné pour gérer les caprices de la star. Depuis le banc madrilène, il devrait prodiguer encore davantage de conseils à ses compatriotes Raphaël Varane, dont il initia en 2011 la venue au Real en susurrant son patronyme à l’oreille de Florentino Perez, et Karim Benzema. Un temps présenté comme le successeur du "Sphinx" Zidane à Madrid et muet depuis 1 155 minutes avec les Bleus, l’attaquant traverse une période critique en sélection. "En 2011-2012, Karim a réalisé sa meilleure saison lorsque Zizou était plus proche de l’équipe première", observe-t-on dans l’entourage du joueur.
Cultivant une posture empreinte d’humilité, l’"adjoint" en phase d’apprentissage peut-il à terme s’imposer comme l’entraîneur en chef du Real ? "Ce qui est certain, c’est que nous voulons que tout le projet sportif dans les quatre prochaines années soit mené par Zidane", avait déclaré, en juin, Florentino Perez alors en pleine campagne pour sa réélection. "A l’instar de Rudi Garcia à l’AS Roma, il contribue à promouvoir la corporation des coachs français évoluant à l’étranger", analyse Rolland Courbis. "Parmi la génération 98, Deschamps a toujours eu la vocation pour entraîner, Blanc l’a acquise avec le temps, c’est nouveau pour Zinédine, ajoute Jean Fernandez. Il doit apprendre à encaisser les coups au quotidien."
Se projetant à long terme, l’ex-meneur de jeu tricolore avait reconnu l’an dernier son ambition de devenir un jour sélectionneur. En juillet 2012, Noël Le Graët, président de la FFF, avait furtivement songé à lui pour ce poste dans l’hypothèse où Didier Deschamps refuserait de prendre la succession de Laurent Blanc. "Zizou, ce qu’il veut, c’est devenir sélectionneur de l’équipe de France. Ce sera le prochain après DD", affirme un agent qui a récemment négocié le transfert de son joueur au Real avec l’icône.
En cas d’échec des Bleus sur la route du Mondial brésilien, le patronyme de Zidane devrait figurer parmi ceux des putatifs prétendants à la succession d’un Deschamps fragilisé. L’absence de "ZZ" demeure, sept ans après son retrait des terrains, une problématique vivace pour des Tricolores en quête d’une aura protectrice. "Depuis 2006, le génie n’est plus parmi nous", soufflait au Monde, en février 2012, le sélectionneur Laurent Blanc. "C’est plus facile de manager l’équipe de France que le Real", prévient Jean Fernandez. De son côté, Rolland Courbis invite les observateurs à la patience : "Il n’est qu’aux lettres A, B, C, D de sa carrière d’entraîneur et on voudrait le voir à X, Y, Z. Attendons !" "Sélectionneur et entraîneur de club, ce sont deux jobs différents, conclut Philippe Montanier. Même si on lui a fait des appels du pied, Wenger n’a jamais voulu des Bleus par exemple. C’est à l’aune de son expérience au Real qu’on pourra dire si Zizou est fait pour devenir sélectionneur."
Rémi Dupré