"Oui, nous sommes en plein combat, le moral doit être au maximum dans cette lutte pour désarmer tous les traîtres, tous les putschistes", a asséné le chef de l’Etat devant 4.500 soldats rassemblés à Caracas dans la cour du Fort Tiuna, la principale caserne du pays, au cours d’une cérémonie radio-télévisée.
"Loyauté toujours, trahison jamais !", a scandé le président vénézuélien, flanqué de son ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, et de plusieurs autres officiers de haut rang.
Ce discours s’inscrit dans la continuité de la chasse aux "traîtres" que Nicolas Maduro a lancée dès mardi soir, lorsqu’il a affirmé avoir déjoué l’"escarmouche putschiste" entreprise par un groupe de militaires entrés en rébellion pour rejoindre Juan Guaido, reconnu président par intérim par un cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis.
L’armée est un acteur central du pouvoir vénézuélien. Elle tient le secteur pétrolier, poumon économique du Venezuela, dont ce pays tire 96 % de ses revenus, et plusieurs ministères.
La tentative de soulèvement de mardi s’est dégonflée au cours de la journée. Quelque 25 militaires rebelles ont demandé l’asile à l’ambassade du Brésil à Caracas. Puis Leopoldo Lopez, une des figures de l’opposition qui était assigné à résidence depuis 2017 et était apparu aux côtés de M. Guaido et des soldats insurgés, s’est réfugié dans l’ambassade d’Espagne.
La justice vénézuélienne a ordonné jeudi son arrestation mais le gouvernement espagnol a aussitôt annoncé qu’il ne livrerait "en aucun cas" l’opposant.
Dans des déclarations effectuées dans la résidence de l’ambassadeur d’Espagne, M. Lopez a affirmé que la tentative de soulèvement "fait partie d’un processus, c’est une brèche qui va se transformer en brèche plus grande et qui va finir par rompre le barrage".
"La chute a commencé" pour le régime vénézuélien et "c’est un processus irréversible" car "les militaires se sont rendus compte qu’ils ne sont pas seuls", a-t-il ajouté. "J’ai parlé à beaucoup de généraux (…) Cette dictature va se terminer".
Quatre morts
La tentative de soulèvement a été accompagnée dans tout le Venezuela mardi et mercredi de manifestations monstre des partisans de M. Guaido, émaillées de violents heurts entre des manifestants et les forces de l’ordre.
Deux jeunes Vénézuéliens blessés par balle au cours des manifestations de ces deux derniers jours sont morts jeudi, portant à quatre le nombre total des manifestants tués dans les heurts, a-t-on appris auprès de l’opposition et des familles.
Selon Amnesty International, les troubles ont par ailleurs fait environ 200 blessés mardi et mercredi, et 205 personnes ont été arrêtées.
Le mécontentement populaire est alimenté par les conséquences de la pire crise de l’histoire récente du pays. L’hyperinflation pourrait atteindre 10.000.000 %, selon le FMI, les coupures de courant se multiplient et les hôpitaux ne peuvent plus soigner les malades, faute de médicaments et d’équipement.
Malgré l’échec de la manifestation de mercredi censée être le point final de l’"opération liberté" qui doit le mener au palais présidentiel de Miraflores, Juan Guaido a appelé à la poursuite des manifestations et appuyé l’idée de grèves tournantes pour arriver à la grève générale.
Réunion Pompeo-Lavrov
Pour Nicolas Maduro, le véritable donneur d’ordres derrière cette "escarmouche putschiste" est John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump.
"La répression brutale du peuple vénézuélien doit s’achever et doit s’achever rapidement", a déclaré jeudi M. Trump. "Les gens ont faim. Ils n’ont pas de nourriture, ils n’ont pas d’eau dans ce qui fut l’un des pays les plus riches du monde".
Et pour accentuer un peu la pression et tenter de déloger Nicolas Maduro du pouvoir, Washington a pris un très grand nombre de sanctions, dont la plus récente est la plus marquante: un embargo sur le pétrole vénézuélien, depuis dimanche.
Les Etats-Unis évoquent aussi l’option militaire. "Une intervention militaire est possible. Si c’est nécessaire, c’est que ce feront les Etats-Unis", a ainsi expliqué mercredi Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.
A l’inverse, Nicolas Maduro a notamment le soutien de la Chine et de la Russie, dont M. Pompeo a affirmé le même jour qu’elle "déstabilisait" le Venezuela, demandant à Moscou de cesser de soutenir le président vénézuélien.
Mike Pompeo discutera de la situation au Venezuela en début de semaine prochaine avec son homologue russe Sergueï Lavrov en marge d’une réunion en Finlande.
Sur le plan diplomatique toujours, le Venezuela a demandé à Washington de protéger son ambassade à Washington, peu après une altercation entre partisans et adversaires du président Maduro devant la représentation diplomatique. Cinq personnes ont été arrêtées au cours de cet incident, selon la police locale.